Veille documentaire et informations N°43 - Décembre 2018

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Table des matières


1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1        Discrimination et logement

France

Parc social

Ressources du demandeur de logement : une CAL ne peut motiver un refus d’attribution d’un logement en faisant prévaloir le critère du reste à vivre sur celui du taux d’effort
Attribution des logements sociaux, politiques de peuplement et intercommunalités : quelles recompositions ?

Mixité sociale

Comment la rénovation urbaine transforme les classes populaires
QPV : la possibilité de contourner la carte scolaire favoriserait-t-elle la mixité sociale ?

1.2        Actualités générales sur le logement

Informations générales

La loi Elan adoptée et publiée

Logement d’abord

Cinq conditions nécessaires à la mise en œuvre du Logement d'abord
Strasbourg, métropole logement d'abord : étude de faisabilité et propositions d'action

Parc social

Gestion de la demande et des attributions : 4 livrets proposés par les USH
La perte du droit au maintien dans les lieux des locataires HLM

Politique de la ville

Mobilité résidentielle en quartiers prioritaires de la politique de la ville

Gens du voyage :

Accueil des gens du voyage et lutte contre les installations illicites : la loi « Carle » adoptée

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

A/ Union européenne

Informations générales

Dans l’UE, être noir signifie souvent faire face au racisme et à la précarité en matière d’emploi et de logement

Religion

CEDH : la Belgique condamnée pour avoir interdit l’accès à la salle d’audience d’un tribunal à une femme portant le foulard islamique
Une base de données pour lutter contre la haine envers les musulmans

B/France

Actualités générales

Les aspirations et les clivages dans la société française
L’action communautaire outil pour refonder l’intervention sociale de proximité

Emploi

« Affaire  Baby Loup » : le Comité des droits de l’homme de l’ONU constate une discrimination inter-sectionnelle basée sur le genre et la religion
L’organisation des recrutements dans les entreprises : un outil de lutte contre les discriminations ?
Discriminations dans l’accès à l’emploi public : des inégalités de traitement entre les candidats à l’emploi en diminution et plus localisées
Agir contre les discriminations dans la Fonction publique territoriale : retour sur la journée d’actualité

Origine et Immigration

Conditions de vie indignes réservées aux familles de harkis dans les camps où elles ont été accueillies en France après l’indépendance de l’Algérie : engagement de la responsabilité de l’État
L’insertion des immigrés, de l’arrivée en France au premier emploi

Contrôles d’identité

La police et les indésirables

Loisirs

Racisme et les discriminations dans le sport : un avis de la CNCDH

Religion/laïcité

L’existence de menus de substitution sans porc dans les cantines scolaires ne porte pas atteinte aux principes de laïcité et de neutralité du service public
Pour le Comité des droits de l’homme, l’interdiction du niqab viole la liberté de religion
Avis sur l'application ou la non-application du principe de neutralité aux prestataires extérieurs de l'administration publique ou des services publics
5e rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité
6e étude OFFRE/Institut Randstad sur le fait religieux en entreprise : une expression de l’appartenance religieuse qui se banalise sur le lieu de travail

 

 

 

1/LOGEMENT : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

1.1Discrimination et logement

France

Parc social

Ressources du demandeur de logement : une CAL ne peut motiver un refus d’attribution d’un logement en faisant prévaloir le critère du reste à vivre sur celui du taux d’effort
M. X, dont la demande de logement social a été reconnue prioritaire au titre du droit au logement opposable par une décision de la commission de médiation de Paris du 29/03/13, a candidaté à l’attribution d’un logement social de la régie immobilière de la ville de Paris (RIVP).
Le 07/08/17, la commission d’attribution de la RIVP a refusé d’attribuer à M. X ledit logement au motif que le loyer toutes charges comprises, déduction faite des aides éventuelles, était trop élevé par rapport à ses ressources.
Le 04/09/17, M. X a effectué un  recours administratif contre cette décision. Le 12/10/17, la RIVP a confirmé sa décision et a indiqué à l’intéressé que la commission d’attribution a apprécié l’insuffisance de ses ressources au regard non du seul taux d’effort mais en prenant également en compte le reste à vivre. Soutenu par l’association Droit au logement, M. X saisit le Tribunal administratif de Paris (TA).
Dans sa décision du 20/07/18, le TA note que le taux d’effort de M. X, pour le paiement du loyer et des charges du logement sur lequel il avait candidaté, est de 21,27%. Celui-ci, « particulièrement modéré, ne peut être regardé comme trop important », et la décision du 07/08/17, « uniquement motivée par le caractère trop important de ce taux, est dès lors entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ».
Toutefois, dans sa décision du 12/10/17, la RIVP a indiqué que le taux d’effort pris isolément n’étant que faiblement significatif, les ressources de l’intéressé devaient également être appréciées au regard du reste à vivre, celui-ci étant pour M. X et son épouse de  980,80 euros.
Le TA rappelle que «  le législateur a entendu assurer le respect des objectifs de participation à la mise en œuvre du droit au logement afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées (…), et éviter en particulier que les procédures de désignation des candidats et d’attribution des logements excluent les demandeurs les plus modestes, (…) pour que, dans les processus de désignation des candidats et d'attribution des logements sociaux, les ressources des demandeurs soient appréciées par l’application de la méthode de calcul du taux d'effort. ». Dès lors, en faisant ainsi prévaloir le critère du reste à vivre sur celui du taux d’effort, la RIVP a méconnu les dispositions du code de la construction et de l’habitation et le TA annule donc ces décisions de refus d’attribution. Il enjoint à la RIVP de réexaminer la demande d’attribution d’un logement social de M. X dans un délai de deux mois (TA Paris, n°1717876/6-1, 20/07/18).

Attribution des logements sociaux, politiques de peuplement et intercommunalités : quelles recompositions ?
Cet article, paru dans le numéro d’Actualités habitat de septembre 2018, a été rédigé à la suite du séminaire de lancement d’u projet de recherche, intitulé « Attribution des logements sociaux, politiques de peuplement et intercommunalités : Quelles recompositions ?». Ce projet est conduit par une équipe pluridisciplinaire composée de politistes, de sociologues et d’urbanistes, issus de plusieurs institutions universitaires. Il porte sur sept intercommunalités dont quatre sont venues présenter leur territoire et leurs politiques lors de cette journée de lancement : Bordeaux Métropole, Grenoble-Alpes Métropole, Saint-Étienne Métropole et la Communauté urbaine de Dunkerque. Ces collectivités ont été choisies en raison de leur représentativité sur deux axes selon leur degré d’intégration intercommunale et de tension du marché. La Communauté d’agglomération du Pays de Meaux figure aussi parmi les territoires étudiés. Reste à l’équipe de recherche à identifier deux autres collectivités. La recherche vise à comprendre dans quelle mesure les politiques de peuplement et d’attribution sont capables de produire de la justice sociale et spatiale. Dans cette perspective, la démarche s’appuie sur trois partis pris : focalisation sur le logement social, articulation des politiques d’attribution et de production de logements sociaux et analyse de la dimension intercommunale de ces politiques. Les travaux de recherche ont commencé fin 2017 et se poursuivront jusqu’à la fin 2020. Un séminaire annuel réunira l’ensemble des parties prenantes. A été également publiée une courte vidéo présentant la recherche (« Politiques d’attribution et mixité sociale », Actualités Habitat n°1084, 30/08/18).

Mixité sociale

Comment la rénovation urbaine transforme les classes populaires
Ce texte de P. Gilbert, maître de conférence à l’université Paris‑8,  propose d’éclairer, à partir d’une enquête conduite pendant six ans (2006-2012) dans le grand ensemble des Minguettes, en banlieue populaire lyonnaise, la manière dont la rénovation urbaine affecte les classes populaires des cités HLM.
En effet, pour l’auteur,  « en modifiant l’habitat et l’aménagement des cités HLM, la rénovation urbaine ébranle en profondeur les conditions d’existence et les trajectoires des habitants. Elle contribue ainsi à transformer les rapports au logement, au voisinage et à l’éducation des classes populaires contemporaines, et renforce leur fragmentation interne ».
Après une description des effets de la rénovation sur le peuplement et les trajectoires des habitants, le texte souligne combien la rénovation urbaine contribue à déstabiliser et à reconfigurer les lieux, les biens et les liens qui forment le « monde privé » des classes populaires des cités. Affectant les rapports au logement, les relations au voisinage et les pratiques éducatives, elle s’inscrit dans un processus plus large de changement social des classes populaires contemporaines, qu’elle contribue à accélérer.
De façon générale, le relogement des habitants des immeubles démolis et l’accès aux immeubles neufs suivent des logiques de filtrage, qui permettent aux habitants les moins défavorisés d’accéder aux segments les plus prisés de l’espace local (en particulier les nouveaux immeubles), tandis que les plus précaires sont plus fréquemment logés dans le parc HLM ancien et aux adresses les plus stigmatisées. Cette logique ségrégative est renforcée par la localisation des immeubles neufs, construits sur les emplacements les plus valorisés des Minguettes. Les démolitions-reconstructions renforcent ainsi la ségrégation interne du grand ensemble, en durcissant les clivages qui organisaient déjà auparavant sa hiérarchie interne.
De façon schématique, la rénovation fait cohabiter des habitants appartenant à deux fractions distinctes des classes populaires, dont la trajectoire est inversement affectée par les changements en cours. D’un côté, les fractions précaires et les générations plus anciennes qui résident dans les vieux immeubles connaissent un certain déclassement social et résidentiel. De l’autre, les immeubles neufs accueillent pour l’essentiel des ménages originaires du quartier ou ayant une certaine familiarité avec les cités HLM, pour beaucoup immigrés ou descendants d’immigrés, et appartenant aux fractions stables des classes populaires. Pour eux, les nouveaux logements représentent une véritable promotion, matérialisant la sortie d’une condition prolétaire et du stigmate associé aux tours HLM.
La rénovation urbaine fait ainsi coexister deux fractions – précaire et stable – des classes populaires, dont la proximité physique tend à renforcer les logiques de mise à distance réciproque.
Cette situation impacte l’évolution des styles de vie des habitants : les innovations architecturales des nouveaux logements – telle la cuisine ouverte – perturbent les styles de vie domestiques; le processus de hausse de la part du logement dans les budgets des classes populaires est accentué ; de nouvelles formes d’appropriations de l’espace domestique se renforcent, notamment chez les ménages connaissant une promotion locale et qui investissent davantage leur espace privé, au détriment de la vie de quartier ; les relations de sociabilité se fragilisent. Ces dernières sont affectées tant au niveau formel (vie associative), informel (relations entre voisins ou proches caractérisées par une certaine régularité dans les échanges) que des contacts (convivialité́ et forte interconnaissance).
Cette transformation des rapports au quartier s’inscrit dans le temps long du changement des styles de vie populaires et  si la rénovation urbaine n’en est pas responsable à elle seule, elle contribue à en accélérer le processus. En renforçant la fragmentation interne de la population et en affaiblissant les sociabilités locales, la rénovation urbaine conduit ainsi à fragiliser les ressources que les classes populaires peuvent tirer de leur autochtonie Comment la rénovation urbaine transforme les classes populaires», P. Gilbert, Métropolitiques, 08/11/18).

QPV : la possibilité de contourner la carte scolaire favoriserait-t-elle la mixité sociale ?
L’observatoire national de la politique de la ville (ONPV) a publié une étude concernant les phénomènes d’évitement de la carte scolaire dans les quartiers de la politique de la ville (QPV)   Cette analyse repose sur l’exploitation de la base élèves du secondaire, issue des bases élèves académiques de l’année scolaire 2015-2016 rassemblées par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale et géolocalisées par l’Insee.
Un des intérêts de l’étude est de souligner que la mixité résidentielle et la mixité sociale au sein des établissements scolaires sont deux formes de mixité qui ne vont pas nécessairement de pair.  En effet, si une relative mixité résidentielle existe dans certains territoires, notamment à proximité des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), c’est en partie parce que certains habitants, parents d’élèves, ont la possibilité de contourner la carte scolaire.
Ce contournement, aux formes multiples, peut se traduire par le délaissement d’un établissement public pour un autre établissement public (suivi d’une filière spécifique, fausse adresse…) ou par une inscription dans un établissement privé. En scolarisant ainsi leur enfant dans un établissement qu’ils jugent plus apte à sa réussite que celui défini par la carte scolaire, ces parents renforcent l’absence de mixité sociale dans l’école ou le collège de leur secteur. Cette forme d’évitement scolaire se rencontre plus fréquemment – mais pas exclusivement – au sein des familles aisées. Pour autant, « il est possible qu’en l’absence d’une telle possibilité de contournement, un certain nombre de ces familles décide de déménager du territoire relevant du secteur de leur établissement, mettant ainsi à mal la mixité résidentielle ». Pour l’auteur, « il est donc important de mesurer et de qualifier ce phénomène en vue du déploiement de politiques publiques relatives à l’école ou au logement avec un objectif de renforcement de la mixité sociale, qu’elle soit résidentielle ou scolaire » (« Évitement de la carte scolaire à l'entrée en 6e : le privé attire aussi les élèves des quartiers prioritaires », P. Dieusaert, ONPV/CGET, 09/18).

1.2 Actualités générales sur le logement

Informations générales

La loi Elan adoptée et publiée
La loi du 23/11/18 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) a été publiée au Journal officiel du 24/11/18. Le texte initial du projet de loi, présenté au conseil des ministres du 04/04/18, comptait 66 articles, la version finale en possède 234...
Quatre titres structurent cette loi.
Le premier, « Construire plus, mieux et moins cher », vise à libérer les procédures et faciliter l’émergence de projets de construction, notamment au sein de grandes opérations d’urbanisme régies par des projets partenariaux d’aménagement. Les mesures visent à simplifier les procédures de construction, lutter contre les recours abusifs, accélérer la transformation de bureaux en logements, permettre l’occupation temporaire de locaux vacants ainsi que leur réquisition…C’est également dans ce titre que les obligations d’accessibilité sont « assouplies » avec l’obligation de ne construire plus que 20% de logements accessibles aux personnes en situation de handicap (contre la totalité jusqu’à la loi Elan), les 80% restants devant répondre aux critères d’un « logement évolutif ». 
Le second titre de la loi Elan est consacré à l’évolution du secteur du logement social  et poursuit la réforme structurelle et financière du logement social. La réorganisation du tissu HLM vise sa rationalisation autour de groupes représentants a minima 12 000 logements en gestion. La loi Elan ouvre également de nouvelles compétences dont pourront se saisir les bailleurs sociaux pour diversifier leurs activités et favorise la vente HLM.
Le titre III souhaite « répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale ». Une partie  est consacrée à des mesures visant à faciliter la mobilité dans le parc social, via notamment un examen récurrent de la situation des ménages logés en HLM et le parc privé (création du bail mobilité, renforcement de l'intermédiation locative, réintroduction de l’expérimentation possible d’un encadrement des loyers).  Il s’agit également d’améliorer la transparence dans l’attribution des logements sociaux : généralisation du système de cotation de la demande, la gestion en flux des contingents de réservataires, ou encore la possibilité d’attribuer les logements sociaux en colocation. Concernant la mixité sociale, il est prévu un dispositif de cohabitation intergénérationnelle solidaire, de donner un statut à « l’habitat inclusif » et d’améliorer la prévention des expulsions (via une meilleure articulation avec la procédure de surendettement et l’élargissement de l’utilisation du protocole de cohésion sociale).
Enfin, le dernier titre de la loi, intitulé « améliorer le cadre de vie » instaure, entre autres, les opérations de revitalisation des territoires, outils de mise en œuvre du programme national Action Cœur de ville. Il renforce également la lutte et les sanctions contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Concernant les squats, la loi restreint la possibilité qu’avait le juge, depuis la loi Alur, d’appliquer le bénéfice de la trêve hivernale. Elle raccourcit également les délais permettant la mise en œuvre de l’expulsion.
La majorité des dispositions de la loi est applicable immédiatement. Néanmoins, pour certaines il faudra attendre la parution de décrets : 50 sont annoncés sur les 6 prochains mois. Par ailleurs, d’autres mesures nécessiteront la publication d’ordonnances (Sources : «Loi portant Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) », Habitat actualité, numéro spécial, ANIL, 11/18 ; «La loi Elan est promulguée : ce qui va se passer », Le moniteur, 27/11/18).

Logement d’abord

Cinq conditions nécessaires à la mise en œuvre du Logement d'abord
Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) a publié un rapport qui présente les « Cinq conditions nécessaires à la mise en œuvre du Logement d’abord »
Selon le HCLPD, « le Logement d’abord est un retour à l’essence de ce que doit être le droit au logement, et doit donc réorienter l’ensemble des politiques publiques ».
Le HCLPD propose ainsi 5 conditions à sa mise en œuvre :
- Il est impossible d’élaborer une politique pour les personnes sans-abri sans connaître précisément leur situation et leurs besoins : les outils de connaissance actuels doivent s’améliorer, notamment en intégrant l’ensemble des dimensions du mal-logement ;
- Il est essentiel de revenir à l’esprit du texte concernant le droit à l’hébergement inconditionnel car les juges en ont actuellement une interprétation extrêmement restrictive ;
- le « choc de l’offre » prévu par la loi Elan ne peut être basé uniquement sur la dérèglementation de la construction : un véritable effort pour la mise à disposition de logements abordables pour tous doit être réalisé, notamment à travers l’encadrement des loyers et la création d’une offre sociale dans le parc privé ;
- l’accompagnement social des personnes mal-logées et sans-abri doit servir au rétablissement de celles-ci, et ne plus constituer un préalable à l’entrée dans un logement ;
- les acteurs associatifs de la lutte contre le mal-logement sont les principaux précurseurs du logement d’abord aujourd’hui proposé par le gouvernement. Il est important de pérenniser leur action et de renforcer leur capacité d’initiative.
Le HCLPD note que de « nombreuses décisions politiques du gouvernement actuel vont aujourd’hui à l’encontre de ces conditions : la baisse des APL, la généralisation du financement de l’action des associations par appels à projet, l’exclusion des personnes sans-papiers de l’accès à l’hébergement,...Par ailleurs, les lois de finances pour 2018 et 2019 font état de baisses substantielles des budgets de l’hébergement et du logement, ce qui met en péril la mise en place du plan quinquennal ». Pour sa présidente, M.-A. Carlotti : « il y a actuellement deux conceptions du Logement d’abord au sommet de l’État. L’une est portée par le président de la République : elle a été présentée à Toulouse en 2017 et est pilotée par la DIHAL dans le cadre du plan quinquennal. Cette stratégie s’appuie sur les expériences étrangères mais aussi sur celles des nombreuses associations de notre territoire pour le respect du droit au logement. L’autre conception, portée par le ministère des finances, a pour seul objectif la réduction des coûts de l’hébergement, le plus rapidement possible, quels que soient les dégâts sociaux et humains engendrés. Elle ne permettra en aucun cas de réaliser l’objectif du droit à un logement autonome pour tous. » («Cinq conditions à la mise en œuvre du logement d’abord », HCLPD, 11/18).

Strasbourg, métropole logement d'abord : étude de faisabilité et propositions d'action
De juin 2017 à janvier 2018, l’Action Tank Entreprise et Pauvreté et l’Agence nouvelle des solidarités actives ont accompagné la Ville et Eurométropole de Strasbourg ainsi que la Direction départementale déléguée de la cohésion sociale du Bas-Rhin dans la réflexion sur la construction d’actions à cinq ans pour transformer le système de prise en charge des sans-domicile à l’échelle de la métropole, et le réorienter dans une logique logement d’abord. Ayant commencé en amont de l’annonce d’un Plan quinquennal pour le logement d’abord, cette démarche a ensuite alimenté le dossier de candidature de l’Eurométropole de Strasbourg à l’appel à manifestation d’intérêt pour les territoires de mise en œuvre accélérée du logement d’abord.
Cette étude de faisabilité vise à formuler des mesures concrètes, territorialisées et chiffrées pour transformer la prise en charge des personnes sans domicile à l’échelle de l’Eurométropole de Strasbourg. Elle propose une dizaine de mesures phares autour de l’accès au logement, de l’accompagnement et de la prévention des expulsions et des ruptures et explique la méthodologie utilisée pour analyser les besoins du territoire et étudier la faisabilité des mesures (« Strasbourg, métropole logement d'abord : étude de faisabilité et propositions d'action » : rapport détaillé, synthèse et infographie, Action Tank Entreprise et Pauvreté et Agence nouvelle des solidarités actives, juillet 2018).

Parc social

Gestion de la demande et des attributions : 4 livrets proposés par les USH
L’Union Sociale pour l’Habitat (USH) publie 4 guides consacrés à la gestion de la demande et des attributions, centrés sur les procédures opérationnelles des organismes. Ils abordent respectivement  les désignations des candidats en amont de la Commission d’Attribution Logement, l’analyse des candidatures et de leur solvabilité, le fonctionnement de la commission d’attribution ainsi que la motivation des décisions de refus et de non attribution.
Ces documents rappellent le cadre juridique qui s’applique. Ils comportent également des recommandations issues des bonnes pratiques des organismes HLM (Gérer la demande et les attributions : les désignations - Livret 1, l'analyse des candidatures et de leur solvabilité - livret 2, le fonctionnement de la CAL - Livret 3, la motivation des décisions de refus et de non attribution - Livret 4 , Repères n°47, USH, 19/03/18).

La perte du droit au maintien dans les lieux des locataires HLM
Dans le parc social, contrairement au parc privé, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour empêcher le renouvellement du bail. Afin de favoriser la mobilité des locataires et une occupation plus équilibrée du parc social dans les zones où il existe de fortes tensions locatives, ce principe est remis en cause depuis plusieurs années et désormais certaines catégories de locataires peuvent perdre leur droit au maintien dans les lieux.
L’objectif de cette note juridique est de faire le point sur les différentes modalités de perte ou de remise en cause du droit au maintien dans les lieux après les évolutions apportées par la loi de mobilisation de l’offre de logements et de lutte contre les exclusions (2009), celle relative à l’égalité et à la citoyenneté (2017) et celle sur l’Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Loi Elan, 23/11/18) qui impose désormais aux bailleurs sociaux, dans certaines zones géographiques, un examen tous les 3 ans, à compter de la date de signature du contrat de location, des conditions d’occupation du logement au regard de ces critères (« La perte du droit au maintien dans les lieux des locataires HLM », La note juridique n°56, Adil du Val de Marne, 11/18).

Politique de la ville

Mobilité résidentielle en quartiers prioritaires de la politique de la ville
L’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), pour son premier rapport thématique, a souhaité se concentrer sur le thème de la mobilité résidentielle.  Faisant le constat qu’il est régulièrement reproché à la politique de la ville de ne pas être efficace, vu la faible évolution des différents indicateurs d’appréciation de la situation, il est parti de l’hypothèse que les mécanismes de mobilité résidentielle propres à ces quartiers pouvaient expliquer cette persistance des difficultés. En effet, « si, à l’image des hôpitaux, les quartiers prioritaires abritent les personnes en difficulté jusqu’à ce que leurs situations s’améliorent et qu’ils déménagent ensuite dans un autre quartier, la permanence des difficultés apparaît « normale » : ces quartiers jouent alors un rôle efficace de sas pour des populations momentanément fragilisées ».
L’ONPV a donc  rassemblé différentes contributions qui s’appuient sur des sources de données, des temporalités et des populations différentes. Il en ressort que le taux de mobilité des ménages des quartiers prioritaires est comparable à celui des ménages des autres quartiers de l’unité urbaine (12%). Parmi ces ménages « mobiles » des QPV, six ménages sur dix, en  changeant de résidence principale emménagent dans un logement hors QPV (59 %). Parmi les 41 % restant en QPV, deux tiers restent dans leur quartier et un tiers déménage dans un autre QPV. Selon les auteurs, cette répartition peut s’expliquer par le fait que les locataires d’un logement social quittent moins fréquemment les quartiers prioritaires, alors que ce parc de logement est surreprésenté en QPV. Ainsi, deux tiers des résidents des quartiers prioritaires habitant un logement social déménagent dans un logement social après leur mobilité.
Les personnes qui partent des quartiers prioritaires ont un niveau de vie supérieur à celles qui restent. Par ailleurs, les familles résidant en Zus déménagent moins souvent que les familles des autres quartiers pour des raisons liées à la situation familiale, « sans doute du fait de contraintes matérielles plus fortes : revenus plus faibles, pénurie de grands logements adaptés à des familles déjà nombreuses au départ ».
Par contre, dans une majorité de quartiers prioritaires, les nouveaux arrivants disposent de revenus plus faibles que les populations qui y sont déjà installées, principalement dans le cas des « quartiers HLM de banlieues éloignées », particulièrement présents dans l’unité urbaine de Paris. La mobilité résidentielle y est d’ailleurs plus faible que dans les « centres anciens », du fait de la présence plus fréquente de logements sociaux.
Enfin, dans quelques quartiers prioritaires, plutôt petits, les arrivants disposent d’un niveau de vie supérieur aux résidents installés. Il s’agit plus fréquemment de quartiers prioritaires de type « centres anciens » ou « quartiers périphériques de petites adresses », plus attractifs pour les actifs.
A noter également que la seconde partie du rapport de l’ONPV propose de courtes analyses statistiques sous forme de quarante-deux fiches thématiques (« Mobilité résidentielle en quartiers prioritaires de la politique de la ville, rapport 2017 », « Synthèse » ONPV).

Gens du voyage :

Accueil des gens du voyage et lutte contre les installations illicites : la loi « Carle » adoptée
Cette proposition de loi avait été déposée en mai 2017 par le sénateur LR de Haute-Savoie J-C Carle afin de « soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage ». Définitivement adoptée au Sénat le 23/10/18, elle a été promulguée le 07/11/18.
Constituée de cinq articles, la loi comporte trois chapitres. Le texte clarifie « la répartition des obligations » qui incombent aux EPCI par rapport aux communes suite au transfert progressif, par les lois Maptam et Notre, de la compétence relative aux gens du voyage aux intercommunalités.
Le texte met par ailleurs en place une obligation d’information préalable des autorités publiques lors de grands passages et grands rassemblements de gens du voyage.
Afin de « moderniser les procédures d’évacuation des stationnements illicites », la loi étend également aux maires de toute commune dotée d’une aire ou de terrains d’accueil la possibilité d’interdire le stationnement sur le territoire de résidences mobiles et donc de procéder à une évacuation d’office des campements par le préfet, « même dans le cas où l’EPCI à fiscalité propre auquel elle appartient n’a pas rempli toutes ses obligations en la matière », selon la rapporteure de la Commission des Lois du Sénat C. Di Folco, dans le rapport de seconde lecture du texte au Sénat. Enfin, le texte double les peines en cas d’occupation temporaire illégale d’un terrain, désormais passible d’1 an d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende (Loi n° 2018-957 du 7/11/18 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites).

2/ DISCRIMINATION : ACTUALITES ET INFORMATIONS GENERALES

A/ Union européenne

Informations générales

Dans l’UE, être noir signifie souvent faire face au racisme et à la précarité en matière d’emploi et de logement
Selon les conclusions d’une enquête répétée de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), les personnes noires dans l’UE rencontrent « des difficultés inacceptables  ne serait-ce que pour trouver un logement ou un emploi décent, en raison de leur couleur de peau ». Ce rapport intitulé « Being Black in the EU »,  révèle les nombreuses difficultés auxquelles les populations noires doivent faire face. Il examine les expériences de près de 6 000 personnes noires dans 12 États membres de l’UE, interrogées dans le cadre de la deuxième enquête de l’UE sur les minorités et la discrimination (EU-MIDIS II cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 41). Cette enquête de la FRA avait recueilli plus largement des informations auprès de plus de 25 500 personnes issues de l’immigration ou d’une minorité ethnique, dans l’ensemble des 28 États membres de l’UE.
En ce qui concerne le harcèlement à caractère raciste, 30 % des personnes interrogées déclarent en avoir fait l’objet au cours des cinq dernières années et 5 % rapportent avoir été agressées physiquement.
La discrimination raciale reste également problématique : environ un quart de la population noire a été victime de discrimination raciale dans le cadre du travail ou d’une recherche d’emploi.
Les jeunes personnes noires sont particulièrement vulnérables : dans certains pays, jusqu’à 76% d’entre elles ne travaillent pas et ne suivent pas d’études ni de formation, contre 8% de la population générale.
Le logement représente un autre problème : 14 % des répondants affirment que les propriétaires privés refusent de leur louer un logement. Selon les auteurs « ceci est particulièrement problématique, puisque seules 15 % des personnes noires sont propriétaires d'un logement, contre 70 % de la population générale de l’UE ». De plus, 45 % d’entre elles vivent dans des logements surpeuplés, contre 17 % de la population générale.
Le profilage discriminatoire lors de contrôles de police constitue également un      problème : 24 % des personnes interrogées ont été contrôlées par la police au cours des cinq dernières années. Parmi celles-ci, 41 % ont estimé que le contrôle effectué représentait un profilage racial, « ce qui sape la confiance dans le maintien de l’ordre et nuit aux relations entre les communautés » (« Being Black in the EU » (en anglais uniquement) ; « Dans l’UE, être noir signifie souvent faire face au racisme et à la précarité en matière d’emploi et de logement », Communiqué de presse de la FRA, 28/11/18).

Religion

CEDH : la Belgique condamnée pour avoir interdit l’accès à la salle d’audience d’un tribunal à une femme portant le foulard islamique
Un juge belge avait refusé à une femme de confession musulmane portant le hijab (foulard couvrant ses cheveux et sa nuque tout en laissant le visage apparent) de pénétrer dans sa salle d’audience. Il avait invoqué  l’article 759 du Code judiciaire belge qui stipule que « celui qui assiste aux audiences se tient découvert, dans le respect et le silence;  tout ce que le juge ordonne pour le maintien de l'ordre est exécuté ponctuellement et à l'instant ».
Saisie par la requérante, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a estimé que l’exclusion de la requérante – une simple citoyenne, ne représentant pas l’État – de la salle d’audience a constitué une « restriction » dans l’exercice par cette dernière du droit de manifester sa religion. Elle juge aussi que la restriction poursuivait comme but légitime la «protection de l’ordre », afin notamment de prévenir les comportements irrespectueux à l’égard de l’institution judiciaire et/ou perturbateurs du bon déroulement d’une audience. La Cour constate cependant que la façon dont Mme Lachiri s’est comportée lors de son entrée en salle d’audience n’était pas irrespectueuse ou ne constituait pas – ou ne risquait pas de constituer – une menace pour le bon déroulement de l’audience. La Cour juge donc que la nécessité de la restriction litigieuse ne se trouve pas établie et que l’atteinte portée au droit de la requérante à la liberté de manifester sa religion n’était pas justifiée dans une société démocratique (« Affaire Lachiri c. Belgique (Requête no 3413/09) », « Exclusion d’une femme portant un foulard islamique (hijab) d’une salle d’audience : violation de l’article 9 de la Convention » (communiqué), CEDH, 18/09/18).

Une base de données pour lutter contre la haine envers les musulmans
L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a mis en ligne une base de données, facile à utiliser, qui met à disposition des informations sur les crimes de haine, les discours de haine et la discrimination à l’égard des musulmans dans l’ensemble de l’Union européenne. Elle vise à élargir « la base de connaissances à la disposition des praticiens et des décideurs politiques pour l’élaboration de réponses plus efficaces ». Elle rassemble des informations sur la jurisprudence et les décisions pertinentes aux niveaux international, européen et national, régional et local portant sur les crimes de haine, le discours de haine et la discrimination à l’égard des musulmans. Elle inclut le raisonnement, les conclusions et les considérations des juridictions, ainsi que les faits principaux pour chaque affaire.
Elle contient également des décisions, rapports et conclusions d’organisations et d’organes nationaux, européens et internationaux pertinents de défense des droits de l’homme et de lutte pour l’égalité. De plus, les utilisateurs peuvent accéder à des recherches, des rapports, des études, des données et des statistiques sur ces sujets.
Pour l’Agence, « en offrant un aperçu unique « grand public » des services d’assistance aux victimes dans les 28 États membres de l’Union européenne, la base de données permet d’orienter en outre les victimes vers des informations, une assistance et une protection adéquates ». Les informations collectées couvrent la période 2012-2017, sont ventilées par pays et par mot clé pour en faciliter l’utilisation («Mettre fin à la haine envers les musulmans : une boîte à outils pour l’Europe », Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 03/12/18).

B/France

Actualités générales

Les aspirations et les clivages dans la société française
Millénaire3, le site de la Direction de la Prospective et du Dialogue Public  de  la Métropole de Lyon,  a compilé plusieurs centaines d’enquêtes d’opinions afin de faire le point sur les aspirations et les clivages dans la société française.
Evolution des valeurs morales, des croyances, rapport à l’altérité, formes de la solidarité, place de l’action publique… autant d’angles proposés et restitués au sein des six dossiers thématiques : rapports aux institutions, trajectoires sociales, sécularisation et religion, cohésion sociale et violence, valeurs morales, technologie et environnement, rapports à la ville.
Au total, 114 « fiches-enquêtes » sont proposées. Parmi elles, plusieurs abordent le thème de l’habitat (par exemple « Mixité sociale : un sentiment de dégradation, une adhésion à des mesures qui rétablissent l’égalité »), le parcours des immigrés (« Devenir français : l’expérience des immigrés et leurs descendants », « L’évolution des relations intercommunautaires / l’intégration à l’épreuve des attentats »…), le sentiment d’appartenance (« Les personnes d'origine étrangère se définissent-elles comme appartenant à une minorité ethnique en Europe ? » , «Devenir français : l’expérience des immigrés et leurs descendants »…),  la laïcité (« Évolution de la laïcité comme principe dans l’opinion en France (2003-2015) ») ou encore les discriminations  (« Les injustices ressenties chez les descendants d’immigrés », « Le sentiment de discrimination en particulier dans le champ professionnel »…)
(« Enquêtes d’opinion : les aspirations et clivages dans la société française », dossiers 1 à 6, 06/18, Métropole de Lyon).

L’action communautaire outil pour refonder l’intervention sociale de proximité
C. Autant-Dorier est enseignante – chercheuse au Centre Max Weber (Lyon Saint-Etienne). Elle est spécialiste des migrations turques et travaille sur la reconnaissance des minorités, l’interculturalité dans l’intervention sociale. Dans cet article, elle explique comment les dynamiques collectives de l’empowerment et les diverses formes d’activation citoyenne peuvent sous-tendre un autre dialogue avec les communautés ethniques et plus largement avec les bénéficiaires de l’action sociale (« L’action communautaire outil pour refonder l’intervention sociale de proximité » interview de C. Autant Dorier, Millénaire 3, 01/06/18).

Emploi

« Affaire  Baby Loup » : le Comité des droits de l’homme de l’ONU constate une discrimination inter-sectionnelle basée sur le genre et la religion
10 ans après les faits, « l’affaire  Baby loup » continue de partager les juristes…et les juridictions. En 2014, la Cour de cassation avait confirmé le licenciement de la requérante, employée au sein d’une crèche associative et licenciée le 19/12/08 pour faute grave après avoir refusé d’ôter le voile islamique qu’elle portait cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 33 . S’appuyant sur le fait qu’il s’agissait d’une petite structure (18 salariés) où tous les salariés pouvaient être en contact avec les enfants et les parents, la Cour de Cassation estimait que la cour d'appel avait pu en déduire que la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l'association et proportionnée au but recherché.
En juin 2015, la requérante a saisi le Comité des droits de l’homme de l’ONU en faisant valoir que les faits dont elle a été victime constituaient une violation de ses droits, d'une part en vertu de l'article 18 (liberté de religion) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que le licenciement pour faute grave, fondé sur le refus de retirer son foulard islamique, va à l'encontre de son droit à la liberté de manifester sa religion, et d'autre part de l'article 26 (principe de non-discrimination) du Pacte, en ce que ce licenciement reposait sur une clause du règlement intérieur touchant de manière spécialement désavantageuse et disproportionnée les femmes musulmanes faisant le choix de porter un foulard.
Le Comité a donc été amené à examiner si la restriction à la liberté de l’auteure de manifester sa religion ou sa conviction est conforme aux principes énoncés par le Pacte, à savoir, être prévue par la loi et nécessaire pour la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui. Le Comité prend note qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure que le règlement n’aurait pas été adopté en accord avec la loi en vigueur et il ne peut être conclu que la restriction n’aurait pas été prévue par la loi.
Ensuite, pour savoir si la restriction subie peut être considérée comme nécessaire, le Comité observe que la France n’explique pas en quelles mesures le port du foulard serait incompatible avec la stabilité sociale et l’accueil promus au sein de la crèche. Il observe aussi que les arguments présentés par l’État partie n’expliquent pas en quoi le foulard serait incompatible avec le but de l’association gérant la crèche de « développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé, et en même temps d’œuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier », d’autant plus que l’un des objectifs de l’association est de « permettre l’insertion économique, sociale et culturelle des femmes (...) sans distinction d’opinion politique ou confessionnelle ». Selon le Comité, l’insertion de la requérante, quelle que soit son opinion confessionnelle, s’inscrivait bien dans cet objectif. Enfin, le Comité considère que la France n’a pas apporté de justification suffisante qui permettrait de conclure que le port d’un foulard par une éducatrice de la crèche porterait atteinte aux libertés et droits fondamentaux des enfants et des parents la fréquentant.
Quant à la proportionnalité de la mesure, le Comité considère qu’aucune information fournie par la France ne permet de conclure que l’interdiction du port du foulard dans les circonstances du cas d’espèce pouvait contribuer aux objectifs de la crèche, ou à ce qu’une communauté religieuse ne soit pas stigmatisée. Tout en rappelant que le port d’un foulard n’est pas en soi considéré comme constitutif d’un acte de prosélytisme, le Comité considère que la restriction établie par le règlement intérieur de la crèche et son application en l’espèce est disproportionnée par rapport à l’objectif recherché et constitue donc une atteinte à la liberté de religion de l’intéressée en violation de l’article 18 du Pacte.
Enfin, quant à l’existence d’une discrimination, le Comité retient l’argument de l’intéressée selon lequel la restriction du règlement intérieur affectait de façon disproportionnée les femmes musulmanes faisant le choix de porter un foulard et constitue donc un traitement différencié. Il considère que la France n’a pas suffisamment étayé la façon dont le licenciement de l’intéressée en raison du port du voile avait un but légitime ou était proportionné à ce but. Il conclut donc que ce licenciement ne reposait pas sur un critère raisonnable et objectif et constitue donc une discrimination inter-sectionnelle, basée sur le genre et la religion, en violation de l’article 26 du Pacte.
Le Comité indique que la France doit indemniser l’intéressée de manière adéquate et prendre des mesures de satisfaction appropriées, incluant une compensation pour la perte d’emploi sans indemnités et le remboursement de tout coût légal, ainsi que de toute perte non pécuniaire encourue par l’intéressée en raison des faits de l’espèce. Le Comité ajoute que la France est également tenue de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir des violations similaires à l’avenir. La France dispose d’un délai de 180 jours pour fournir au Comité des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations.
Le Comité des droits de l’homme a été créé pour s’assurer de la mise en œuvre du pacte de l’ONU sur les droits civils, dont la France est signataire. Il est composé de juristes indépendants qui ne jugent pas les affaires dont des particuliers peuvent les saisir, mais font des «constatations» après avoir donné la parole aux différentes parties. Ce n’est pas à proprement parlé une instance juridictionnelle et ses décisions ne s’imposent donc pas automatiquement à la France en droit. Néanmoins, il sera difficile pour les magistrats de ne pas en tenir compte. C’est ce qu’a rappelé  le premier président de la Cour de cassation B. Louvel, lors du discours protocolaire d’installation de nouveaux magistrats à la Cour de cassation, le 03/09/18. A cette occasion, il a souligné que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies « a constaté que notre assemblée plénière elle-même avait méconnu des droits fondamentaux reconnus par le Pacte international des droits civils et politiques dans l’affaire connue sous le nom de Baby Loup » (…) « Même si cette constatation n’a pas, en droit, de force contraignante, l’autorité qui s’y attache de fait constitue un facteur nouveau de déstabilisation de la jurisprudence qui vient perturber, aux yeux des juges du fond, le rôle unificateur de notre Cour, qui plus est au niveau le plus élevé de son assemblée plénière. » (« Constatations adoptées par le Comité en vertu du Protocol facultatif se rapportant au Pacte concernant la communication no 2662/2015 », Comité des droits de l’homme, 16/07/18 ; « Constatations relatives à la violation du droit à la liberté de manifester sa religion et à la discrimination en raison de la religion et du genre dont a été victime une éducatrice d’une crèche associative en raison de son licenciement pour avoir refusé d’ôter son foulard islamique », DDD, 16/7/18 ; «La jurisprudence sur le port du voile en France pourrait évoluer », Le Monde, 08/09/18 ; «Pour une lecture dialogique du droit international des droits humains. Remarques sur les constatations du Comité des droits de l'Homme dans l’affaire Baby Loup, et quelques réactions qu’elles ont suscitées », S. Hennette Vauchez, La Revue des droits de l’homme, 05/09/18).

L’organisation des recrutements dans les entreprises : un outil de lutte contre les discriminations ?
Cette étude s’appuie sur les données issues d’un testing à l’origine conduit en 2016 par ISM Corum et la Dares. Le testing a visé une quarantaine de grandes entreprises (de plus de 1000 salariés), dans trois secteurs différents (commerce, banque/assurances et hôtellerie/restauration). Chaque entreprise a été testée entre 30 et 40 fois, sur la première étape du recrutement : envoi de la candidature et réponse positive (proposition d’entretien téléphonique ou en face-à-face) ou non. Au total 1500 tests ont été effectués.
Le fait d’étudier les discriminations à l’embauche dans les grandes entreprises a permis également de différencier le risque de discrimination lorsque le recrutement est effectué   par  un service RH centralisé, par un prestataire externe, ou uniquement au sein de l’établissement concerné.
Chaque paire de candidatures contient une candidature avec un nom et un prénom à consonance supposée « maghrébine » et une autre à consonance supposée « hexagonale ». Les candidats sont tous de nationalité française. Les autres critères sont identiques pour chaque candidat d’une même paire.
Selon les auteurs, « les résultats montrent tout d’abord un risque de discrimination à l’embauche significatif pour les candidats d’origine supposée « maghrébine » dans les grandes entreprises en France ». En effet, 47,0 % des 1 433 candidatures « hexagonales» ont intéressé les recruteurs contre 36,7 % pour les candidatures « maghrébines », soit une différence significative de 10,3 points.
Le risque discriminatoire est inférieur à celui détecté par la plupart des testing menés précédemment en France sur les mêmes origines. Mais, contrairement aux autres expérimentations de ce type, celle-ci concerne exclusivement des grandes entreprises dans des secteurs différents.
Par ailleurs, l’écart observé entre les deux types de candidatures est un peu plus important pour les tests effectués uniquement à partir de paires masculines.
Mais surtout, l’écart varie de façon importante entre les métiers. Les écarts les plus importants sont constatés pour les trois métiers de l’hôtellerie-restauration considérés, avec à chaque fois un niveau de discrimination plus important pour les hommes. Pour les employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie-restauration, les hommes d’origine «hexagonale » reçoivent jusqu’à presque deux fois plus de réponses positives que leurs homologues « maghrébins ». Pour les métiers de la banque et des assurances, des écarts statistiquement significatifs sont par contre uniquement constatés pour les femmes pour les métiers d’employés et techniciens.
Enfin, le recours aux services RH centralisés dans le recrutement des candidats joue potentiellement un rôle important pour atténuer le risque discriminatoire. S’il demeure néanmoins un écart entre les taux de retour pour les deux types de candidatures, cela engendre une baisse de la probabilité que les candidats « maghrébins » soient discriminés par rapport aux candidats « hexagonaux » de 29 points.
Ce résultat suggère « qu’agir sur l’organisation des recrutements dans les grandes entreprises peut être envisagé comme un outil de lutte contre les discriminations à l’embauche relativement efficace, du moins pour ce qui est de la première étape du recrutement testée ici, c’est-à-dire avant entrevue. »
La professionnalisation du métier de recruteur serait donc un outil potentiel de lutte contre les discriminations à l’embauche, même s’il parait important « d’explorer davantage les mécanismes à l’œuvre » (« L’organisation des recrutements dans les entreprises : un outil de lutte contre les discriminations ? », C.Berson, M. Laouenan, E.Valat, Document d’études n°226, Dares, 11/18).  

Discriminations dans l’accès à l’emploi public : des inégalités de traitement entre les candidats à l’emploi en diminution et plus localisées
Le 04/07/18, un rapport sur les discriminations dans l’accès à emploi public a été présenté au Conseil commun de la fonction publique. Il a été réalisé par la fédération de recherche « Travail, Emploi et Politiques publiques » (TEPP) qui regroupe plusieurs laboratoires de recherche universitaires.
Cette étude est le prolongement partiel d’une 1ère campagne de testing, effectuée dans le secteur public en 2015-2016 cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 39, ce qui lui permet d’évaluer, entre autre, l’évolution dans le temps des discriminations à l’embauche dans la fonction publique sur les critères de l’origine et de la réputation du lieu de résidence.
Réalisé entre septembre 2017 et mars 2018, le testing a concerné 653 offres d’emploi émanant d’établissements privés et publics et quatre critères : l’effet d’une origine maghrébine, celui de la réputation du lieu de résidence, celui d’un sexe non modal dans la profession et l’effet d’un signal d’orientation sexuelle du candidat à l’emploi.
Deux professions, où les recruteurs publics sont en concurrence avec des recruteurs privés, ont été testées : les responsables administratifs de catégorie A et les aides-soignantes de catégorie C.
Contrairement à la campagne précédente de testing réalisée en 2015-206, les auteurs détectent globalement moins de discrimination dans cette nouvelle campagne. S’il y a encore des écarts de traitements entre les candidats à l’emploi, ils sont moins importants et beaucoup plus localisés. Les discriminations concernent désormais uniquement l’origine des candidats et non leur lieu de résidence. Elles portent principalement sur les aides-soignantes dans la fonction publique hospitalière et les recrutements de responsables administratifs dans la fonction publique territoriale.
Concernant les discriminations dans l’accès à l’emploi pour les candidats présumés homosexuels même si les résultats indiquent des différences de traitement à différentes étapes du recrutement, l’étude  ne met pas en évidence d’inégalités de traitement significative.
Deux hypothèses sont  avancées pour expliquer les causes de ce mouvement de reflux des discriminations : il pourrait s’agir d’une conséquence de la reprise de l’emploi dans un contexte macroéconomique devenu plus favorable. Par ailleurs, ce pourrait être la conséquence des actions publiques en faveur de la lutte contre les discriminations qui se sont développées sur la période, dans le sillage de la loi égalité et citoyenneté et avec la diffusion des procédures de labellisation auprès de nombreux ministères et acteurs publics (label égalité, label diversité) (« Les discriminations dans l’accès à l’emploi privé et public : les effets de l’origine, de l’adresse, du sexe et de l’orientation sexuelle », L. Challe, Y. L’horty, P. Petit, F.-C. Wolff, rapport de recherche n° 2018- 05, TEPP, 08/18).

Agir contre les discriminations dans la Fonction publique territoriale : retour sur la journée d’actualité
Organisée le 22/11/18 en partenariat avec le CGET, le Défenseur des Droits et le réseau RECI (dont l’AVDL est membre), cette journée d’actualité s’inscrivait dans la volonté du CNFPT de s’adresser aux différents services des collectivités impliqués dans la carrière des agents ou aux agents se situant en position de management d’équipe (ressources humaines, direction générale, chefs de services…).
Une partie des supports d’intervention, des liens vers les sites ressources ainsi qu’une sélection de ressources numériques sont désormais en ligne (nécessité d’un compte Pearltrees) et des captures vidéo de cette journée sont à venir.

Origine et Immigration

Conditions de vie indignes réservées aux familles de harkis dans les camps où elles ont été accueillies en France après l’indépendance de l’Algérie : engagement de la responsabilité de l’État
Un fils de harki (ancien supplétif de l’armée française en Algérie), né et ayant vécu dans des camps dits de transit et de reclassement de 1963 à 1975, a demandé réparation à l’État français des préjudices qu’il estime avoir subis du fait des conditions d’accueil et de vie dans ces camps.
Après un rejet de sa demande par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 10/07/14, puis par la cour administrative de Versailles le 14/3/17, l’intéressé s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État (CE).
Par décision du 03/10/18, le CE a jugé que la responsabilité pour faute de l’État doit être engagée à raison des conditions de vie indignes réservées à l’intéressé entre sa naissance en 1963 et son départ du camp de Bias en 1975. Il relève que ces conditions ont entraîné des séquelles pour le requérant qui ont exigé un accompagnement médico-psycho-social et qu’elles ont aussi fait obstacle à son apprentissage du français. Pour ces raisons, le CE condamne l’État, qui n’a pas opposé la prescription de l’action en justice du requérant, à verser une somme de 15 000€ en réparation des préjudices matériels et moraux subis par l’intéressé (M. L., n° 410611, « Responsabilité de l'État concernant les conditions de vie réservées aux familles de harkis » (communiqué) CE, 3/10/18).

L’insertion des immigrés, de l’arrivée en France au premier emploi
L'Insee a publié une nouvelle étude sur l'insertion des immigrés en France. Elle s’appuie sur les données issues du module complémentaire de l’enquête Emploi 2014. Il s’agit d’une enquête européenne qui porte sur la situation sur le marché du travail des immigrés et de leurs descendants directs. En France, l’enquête a été enrichie par des questions portant notamment sur la maîtrise du français, le premier emploi occupé après l’arrivée en France et les motivations d’acquisition de la nationalité.
Selon le recensement, 6,1 millions d’immigrés, c’est-à-dire de personnes nées à l’étranger de nationalité étrangère, vivaient début 2015 sur le territoire français, soit 9,3 % de la population résidant en France. La moitié de la population des immigrés d’âges actifs (15-64 ans) est arrivée en France avant 1998. Parmi ceux qui sont arrivés à l’âge de 15 ans ou plus, près de la moitié déclarent avoir émigré pour des raisons familiales. La population immigrée est de plus en plus diplômée et elle  se féminise au fil des années, les femmes étant désormais aussi nombreuses que les hommes à venir étudier en France.
Quatre immigrés sur dix ne parlaient pas ou peu le français lors de leur premier emploi en France et un tiers de ceux qui sont en emploi considèrent qu’ils sont surqualifiés. À caractéristiques égales, le sentiment de surqualification dans le premier emploi occupé en France est plus fort parmi les immigrés qui ne parlaient pas le français.
Enfin, parmi les immigrés arrivés en France à l’âge de 15 ans ou plus, un tiers de ceux devenus français ont acquis la nationalité dans les cinq ans qui ont suivi leur arrivée L’insertion des immigrés, de l’arrivée en France au premier emploi », J. Lê et M. Okba, Insee Première n°1717, 11/18).

Contrôles d’identité

La police et les indésirables
En décembre 2015, 18 adolescents et jeunes adultes du 12e arrondissement de Paris déposaient une plainte pénale collective à l’encontre de 11 policiers d’une même brigade : le Groupe de Soutien de Quartier (GSQ), surnommé la « brigade des Tigres » du fait de son écusson représentant un tigre fondant sur une proie. Les plaignants reprochaient aux policiers des violences physiques, des attouchements sexuels, des arrestations arbitraires, des destructions de biens et des injures racistes, à l’occasion de contrôles d’identité entre 2013 et 2015.
Le 04/04/18, 3 des policiers mis en cause ont été condamnés en première instance pour violences volontaires aggravées.
En partant des éléments de l’enquête (examen du dossier de l’enquête judiciaire, observation du procès, entretiens avec plaignants, habitants et avocats), M. Boutros, doctorante en sociologie à Northwestern University (Illinois), analyse une pratique policière que les policiers appellent le « contrôle-éviction ». Il s’agit de contrôles d’identité dont l’objectif est de faire quitter les lieux à des personnes considérées comme « indésirables », même en l’absence d’infraction.
Le procès a révélé que le terme « indésirable » est employé par l’administration policière pour désigner des catégories de personnes dont la présence dans les lieux publics est considérée comme problématique. Les plaignants étaient la cible de contrôles répétés et violents, souvent sans motif légal, parce qu’ils étaient considérés comme « indésirables » dans l’espace public, du fait de leur origine sociale et ethnique.
Dans ce quartier où persistent des zones d’habitat social au sein d’un quartier largement gentrifié, des tensions grandissantes ont émergé sur la question de l’occupation de l’espace public. Selon l’auteure, certains habitants des classes moyennes et supérieures, majoritairement Blancs, ne toléraient pas la présence de jeunes hommes Noirs et Maghrébins des classes populaires dans l’espace public, surtout en groupes, car cette présence était perçue comme source d’incivilités et de désordres. Ces habitants réclamaient régulièrement des autorités des actions pour assurer la « tranquillité publique ». Pour répondre à ces demandes, le GSQ était envoyé pour procéder à des « contrôles-éviction » sur certains secteurs. Mais loin de cibler uniquement les auteurs d’infractions, ces contrôles ciblaient les groupes d’adolescents issus de l’immigration et des classes populaires, quel que soit leur comportement.
Cette stratégie policière assumée s’inscrirait « dans une dynamique urbaine plus large, dans laquelle la police est mandatée pour garantir à certains habitants un espace public libéré des «regroupements de jeunes ». Si les policiers contrôlent ces adolescents à répétition, les humilient, les frappent, les agressent sexuellement, et les conduisent au poste sans motif, c’est pour les chasser des espaces publics, pour leur signifier qu’ils n’y ont pas leur place. » Les contrôles-éviction s’inscriraient donc dans une dynamique urbaine locale où la police se met au service du processus de gentrification, en légitimant la présence de certains, et l’éviction d’autres, des espaces publics (« La police et les indésirables »M. Boutros, La Vie des idées, 14/09/18).

Loisirs

Racisme et les discriminations dans le sport : un avis de la CNCDH
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a publié un avis sur la lutte contre le racisme et les discriminations dans le sport. « Convaincue du potentiel du sport pour porter les valeurs humanistes de la République et contribuer à une société pleinement démocratique », la CNCDH souhaite « éclairer les divers acteurs impliqués dans le sport sur les mécanismes inhérents aux pratiques sportives contribuant à l’exclusion de divers groupes sociaux ou individus ». Elle entend également nourrir la réflexion et les débats publics autour de l’ambivalence des pratiques sportives, ainsi que de la responsabilité singulière des médias et de l’éducation à l’égard de ce champ social et culturel. Elle souligne « l’ambivalence de la culture sportive » qui oscille entre inclusion et exclusion et  aborde la question du sport de compétition, perçu comme un « écosystème fermé », soucieux d’éviter tout scandale qui viendrait entacher la réputation des clubs et fragiliser la confiance de leurs financeurs. Dès lors, la CNCDH invite l’ensemble des acteurs de l’écosystème sportif, au niveau national et local, à se responsabiliser et à faire de la prévention des comportements racistes et discriminatoires une priorité (« Avis sur le racisme et les discriminations dans le sport », « Le sport doit redevenir un facteur d’intégration et d’inclusion » communiqué de presse, CNCDH, 20/11/18).

Religion/laïcité

L’existence de menus de substitution sans porc dans les cantines scolaires ne porte pas atteinte aux principes de laïcité et de neutralité du service public
Depuis 1984, les cantines scolaires de la commune de Chalon-sur-Saône (71) offraient aux élèves fréquentant les cantines scolaires de ses écoles élémentaires publiques, la possibilité de choisir un menu alternatif lorsque des plats contenant du porc y étaient proposés.
Au cours de l'année 2015, le maire et le conseil municipal de cette commune ont décidé de mettre fin à cette pratique qu'ils ont estimée contraire aux principes de laïcité et de neutralité auxquels sont soumis les services publics.
Une association de défense des droits des personnes de confession musulmane et quelques parents d'élèves ont demandé au tribunal administratif (TA) de Dijon d'annuler la décision du maire de la commune et la délibération de son conseil municipal en invoquant, notamment, l'atteinte portée par ces actes à la liberté de conscience et à la liberté de culte. Ils se prévalaient également de ce que cette pratique ancienne n'avait causé aucun trouble et n'avait pas provoqué de difficulté particulière de gestion ou d'organisation du service.
Par un jugement du 28/08/17, le TA de Dijon a fait droit à ces demandes en se fondant sur l'atteinte portée par ces actes à l'intérêt supérieur des enfants au sens du premier alinéa de l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant.
La commune de Chalon-sur-Saône a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel (CAA) de Lyon. Par arrêt du 23/10/18, la cour annule le jugement du TA de Dijon en raison d'une irrégularité mais, statuant au fond, confirme l’annulation de la décision du maire et la délibération du conseil municipal de cette commune.
La CAA rappelle :
- que le gestionnaire d'un service public dont la mise en place est facultative (ce qui est le cas des cantines scolaires) dispose de larges pouvoirs d'organisation, mais ne peut décider d'en modifier les modalités d'organisation et de fonctionnement que pour des motifs en rapport avec les nécessités de ce service ;
- que les principes de laïcité et de neutralité auxquels est soumis le service public de la restauration scolaire ne font pas, par eux-mêmes, obstacle à ce que les usagers de ce service se voient offrir un choix leur permettant de bénéficier d’un menu équilibré sans avoir à consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses ou philosophiques.
Constatant que la pratique consistant à offrir aux élèves fréquentant les cantines scolaires le choix d'un menu alternatif aux plats contenant du porc n'avait provoqué, pendant les trente et une années qu'elle avait duré, aucune difficulté particulière en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement du service public de la restauration scolaire, la CAA retient que les principes de laïcité et de neutralité du service public, seuls invoqués par l'administration communale, ne peuvent légalement justifier qu'il soit mis fin à cette pratique (CAA de Lyon, n°ˢ 17LY03323 et 17LY03328, « Menus sans porc dans les cantines scolaires », Communiqué de la CAA de Lyon, 23/10/18).

Pour le Comité des droits de l’homme, l’interdiction du niqab viole la liberté de religion
La France a adopté, en 2010, une loi qui stipule que « Nul ne peut porter, dans l’espace public, des vêtements destinés à dissimuler le visage ». La loi a pour effet d’interdire le port du voile islamique intégral en public, qui couvre tout le corps, y compris le visage, ne laissant qu’une petite ouverture pour les yeux cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 19.
Le Comité des droits de l’homme a été saisi en 2016 de deux plaintes, après que deux françaises avaient été poursuivies et condamnées en 2012 pour avoir porté en public des vêtements qui avaient vocation à couvrir tout leur corps, y compris leur visage. Dans ses décisions  du 23/10/18, le Comité a été d’avis que l’interdiction générale à caractère pénal que la loi française impose à ceux qui portent le niqab en public a porté atteinte de manière disproportionnée au droit des deux plaignantes de librement manifester leur religion. De l’avis du Comité, la France n’a pas suffisamment expliqué en quoi l’interdiction du port de ce vêtement était nécessaire. De plus, il n’a pas été convaincu par les arguments avancés par la France, selon lesquels l’interdiction de dissimuler le visage était nécessaire et proportionnée pour des raisons de sécurité et visait à assurer le respect du principe du « vivre ensemble »dans la société. S’il reconnaît que les Etats peuvent exiger des individus qu’ils découvrent leur visage dans des circonstances spécifiques dans le cadre de contrôles d’identité, il a été d’avis que l’interdiction généralisée du niqab était une mesure trop radicale. Il a également conclu que l’interdiction ne permettrait pas de protéger les femmes portant le voile intégral mais aurait l’effet contraire de les marginaliser en les confinant chez elles en leur fermant l’accès aux services publics.
« Ces décisions ne portent pas atteinte au principe de laïcité et ne visent pas à promouvoir une coutume, que nombreux au sein du Comité, y compris moi-même, considérons comme une forme d’oppression contre les femmes » a déclaré Y. Shany, Président du Comité. Il a expliqué au contraire que ces décisions représentent la position du Comité selon laquelle une interdiction généralisée à caractère pénal ne permet pas d’assurer un équilibre raisonnable entre l’intérêt général et les libertés individuelles.
Il est attendu de la France qu’elle envoie un rapport de suivi au Comité dans un délai de 180 jours sur les mesures prises pour mettre en œuvre la décision du Comité qui demande, entre autre, la compensation des plaignantes et la prise de mesures visant à éviter que des cas similaires se reproduisent à l’avenir, y compris en révisant la loi incriminée.
Il est à noter que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) avait déjà été saisie de cette question, mais au regard de la convention européenne des droits de l’homme (alors que le comité des droits de l’homme est garant de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). A l’inverse du Comité des droits de l’homme, la CEDH avait estimée qu’il n’y avait pas violation du droit à la liberté de religion cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 33. En effet, la CEDH avait estimé que si « l’interdiction contestée pèse essentiellement sur une partie des femmes musulmanes, elle [la Cour] relève qu’elle n’affecte pas la liberté de porter dans l’espace public des habits ou éléments vestimentaires qui n’ont pas pour effet de dissimuler le visage et qu’elle n’est pas explicitement fondée sur la connotation religieuse des vêtements mais sur le seul fait qu’ils dissimulent le visage ». En outre, « la question de l’acceptation ou non du port du voile intégral dans l’espace public relevant d’un choix de société, la France disposait d’une ample marge d’appréciation ». Dès lors, pour la CEDH, l’interdiction contestée est proportionnée au but poursuivi, à savoir la préservation du « vivre ensemble » (« France : L’interdiction du niqab viole la liberté de religion de deux musulmanes », communiqué du Comité des droits de l’homme, 23/10/18 ; «L’interdiction de porter une tenue destinée à dissimuler son visage dans
l’espace public en France n’est pas contraire à la Convention », communiqué de la CEDH, 01/07/14)

Avis sur l'application ou la non-application du principe de neutralité aux prestataires extérieurs de l'administration publique ou des services publics
Le 15/03/18, la direction des affaires juridiques du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (SGMAS) a saisi l’Observatoire de la laïcité « sur l’application des principes de laïcité et de neutralité aux prestataires de l’administration (personnel d’entretien, informaticien, dépanneur, etc.) » et sur les critères permettant de qualifier leurs missions de «service public ». En effet, le recours à des prestataires extérieurs s’est considérablement accentué ces trente dernières années pour des tâches et des missions d’une très grande diversité, avec, selon leur nature, l’attribution ou non de prérogatives de puissance publique.
S’appuyant sur des éléments de jurisprudence, l’observatoire rappelle par le biais de  cette note argumentée que, pour savoir si un prestataire privé d’une administration est soumis ou non au principe de neutralité, il importe d’examiner la mission qu’il exerce et la représentation effective d’une administration publique qu’il assume éventuellement (« Avis sur l’application ou la non-application du principe de neutralité aux prestataires extérieurs de l’administration publique ou des services publics », Observatoire de la laïcité, 29/05/18).

5e rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité
Le 15/06/18, M. J-L. Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, et M. N. Cadène, rapporteur général, ont remis au Premier ministre, É. Philippe, le 5e rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité. Si l’observatoire constate « une sensibilité toujours très forte sur toute situation qui touche à la laïcité et aux faits religieux », il note néanmoins que « les atteintes directes à la laïcité (…) restent en réalité peu répandues au niveau national, et apparaissent pour la deuxième année consécutive mieux contenues » grâce à la multiplication des formations à la laïcité et à la gestion des faits religieux, à destination des acteurs de terrain. Toutefois, «les tensions et les crispations sur ces sujets restent « très significatives » et « le besoin de formation reste énorme ».
Pour l’Observatoire, par rapport au constat établi dans le rapport de l’année dernière, il n’y a pas de changement notable quant aux réponses à apporter et il reste nécessaire d’analyser les faits avec rigueur, pour ne pas céder à la surenchère et de ne pas faire porter à la laïcité la responsabilité de répondre à tous les maux de la société. En effet, « il ne suffit pas de convoquer le principe de laïcité et de dénoncer les discriminations, la ghettoïsation, et l’absence de mixités sociale et scolaire, il faut combattre celles-ci par des politiques publiques vigoureuses et faire respecter l’État de droit, partout sur le territoire ».
Dans ce cadre, il s’agit également de sanctionner tout comportement contraire aux exigences minimales de la vie en société, y compris dans des situations pour lesquelles le principe de laïcité est invoqué à tort.
Malheureusement, l’Observatoire de la laïcité constate encore trop souvent « une profonde méconnaissance du droit en vigueur, ce qui peut conduire, alternativement, à des autorisations ou à des interdictions injustifiées ». Sur ce dernier point, l’Observatoire de la laïcité « alerte les pouvoirs publics et l’ensemble de la communauté nationale sur les effets contre-productifs de discours publics, dans un contexte de peurs multiples, visant à imposer un « durcissement » de la laïcité et à la « transformer » dans le but, parfois inavoué, de réduire les libertés qu’elle garantit et de multiplier les interdits qu’elle prévoit ». Selon l’Observatoire, « une telle orientation aurait pour conséquence de rompre l’équilibre posé en 1905 » et il en découlerait « une accélération des replis identitaires aux répercussions dramatiques ».
L’Observatoire de la laïcité insiste par ailleurs sur 20 actions qu’il a proposées et qui sont toujours en attente de mise en œuvre (« Rapport annuel de l'observatoire de la laïcité 2017-2018 », « Synthèse du rapport annuel de l'observatoire de la laïcité 2017-2018 », «Communiqué de presse suite à la remise du rapport annuel 2017-2018 au Premier ministre», Observatoire de la laïcité, 05-06/18) .

6e étude OFFRE/Institut Randstad sur le fait religieux en entreprise : une expression de l’appartenance religieuse qui se banalise sur le lieu de travail
Selon la 6e édition de l’étude sur le fait religieux en entreprise, menée par l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE) et l’Institut Randstad, depuis 2016, l’expression de l’appartenance religieuse se banalise sur le lieu de travail.
Cette enquête a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de cadres et de managers, entre mars et juin 2018 et 1 111 questionnaires retournés ont été pris en compte dans l’étude.
Ainsi, 2 employés sur 3 (65%) déclarent observer des faits religieux dans leur contexte professionnel. Cette proportion, qui reste inchangée pour la troisième année consécutive cf. Veille doc&infos LCD et Logement n° 41 , fait dire aux auteurs que «  le fait religieux est arrivé à maturité et s’affirme comme une réalité de l’entreprise ». Par ailleurs, « si le sujet n’est pas neutre, l’expression de l’appartenance confessionnelle ne gêne pas le bon fonctionnement de l’entreprise dans plus de 9 cas sur 10 ». Concernant les situations régulières de conflit, la religion (5%) est même un sujet beaucoup moins conflictuel que… le travail lui-même (35%)  ou l’expression d’opinions politiques ou philosophiques (16%).
En revanche, plus d’1 manager sur 4 (29%) considère que le fait religieux rend son rôle plus délicat, même s’ils connaissent désormais mieux, les règles applicables au sein de l’entreprise pour encadrer son expression (« L’entreprise le travail et la religion- étude 2018 » , « En 2018, la tendance se confirme : la religion est une réalité comme une autre sur le lieu de travail », Communiqué de presse,  26/09/18,  OFRE – Institut Randstad).