Veille documentaire et informations N°31 - décembre 2013

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Table des matières

1/ Logement 

1.1 Discriminations et logement : 

Europe : 

La discrimination dans le logement 

France : 

Expulsion d’un campement de gens du voyage : la Cours Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) condamne la France 
Un agent immobilier condamné pour discrimination raciale  
L’évacuation des bidonvilles roms : circulaires et cycles médiatiques 
Quand on appelle le 115, vaut-il mieux être Français ? 

1.2 Logement : documentation et informations générales 

France : 

Rénovation urbaine et équité sociale 
L’architecture sans les habitants ? Les choix architecturaux dans les projets de rénovation urbaine 
Politique du logement locatif : une analyse et des propositions du Conseil d’Analyse Economique 

2/ Discrimination : documentation et informations générales 

Europe : 

Un Etat membre ne peut refuser de façon automatique une aide sociale à un citoyen inactif venu d’un autre Etat 
Les migrants européens inactifs ne perçoivent pas plus de prestations sociales que les ressortissants de leur pays d’accueil 
L’Union Européenne devrait inciter les Etats membres à mettre en place « une politique d’intégration plus efficace de leurs populations roms » 

France 

Fin de la période transitoire pour les ressortissants roumains et bulgares : quelles conséquences ? 
Prestations familiales et mineurs étrangers : la Cour de Cassation affine sa jurisprudence 
Décristallisation : une prolongation d'un an pour les anciens combattants afin de demander l'alignement de leurs pensions 
Les groupes de travail sur la refondation de la politique d'intégration rendent leurs conclusions en novembre 2013 … et créent la polémique  un mois plus tard 
Baby Loup : le procureur général et la Cour d'appel de Paris défient la Cour de Cassation en confirmant le licenciement pour faute grave de la salariée voilée 
Neutralité, distinction entre missions de service public et missions d’intérêt général et précisions sur la notion de « participation au service public » : le Conseil d’Etat a remis son étude au Défenseur des droits 
L’Observatoire de la laïcité et la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) recommandent de ne pas légiférer sur la neutralité dans les lieux d’accueil de la petite enfance 
Religion au travail : le CESE également défavorable à une nouvelle loi 
Deux guides de l'Observatoire de la laïcité explicitent le droit aux responsables d’entreprises et de collectivités locales 
Contrôles d’identité au faciès : les juges déboutent les 13 plaignants pour absence de preuve et se déclarent incompétents pour juger de l’éventuelle responsabilité de l’Etat 
L’égalité trahie: l’impact des contrôles au faciès en France 
Classement des villes de France en matière de lutte contre le racisme et les discriminations : Villeurbanne en tête et Marseille en queue 
Discriminations : état de la recherche 
ATD Quart Monde : un livre blanc et un nouveau testing pour la reconnaissance d'une discrimination en raison de la précarité sociale

1/ Logement

1.1 Discriminations et logement :

Europe :

La discrimination dans le logement 
Cette étude, rédigée par le Réseau Européen des Experts Juridiques en matière de Non-Discrimination, a pour objet d’analyser le contenu et la portée de la protection contre la discrimination dans le  logement en vertu des normes européennes et internationales. Le droit de l’Union européenne est examiné à la lumière des développements importants dont cette question a fait l’objet dans d’autres ordres juridiques, en particulier, dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Comité européen des droits sociaux, ainsi que dans les travaux du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Comités des Nations Unies. Sont évoquées également les législations adoptées en la matière au niveau national par les Etats membres de l’Union et par certains autres Etats européens, ainsi que des décisions de jurisprudence significatives de cours et tribunaux internes. L’étude comporte quatre parties : une présentation des concepts et instruments de base sur lesquels repose la protection contre la discrimination en matière de logement, aux niveaux européen et international ainsi qu’un aperçu des législations adoptées en la matière par les Etats membres et certains Etats non membres (Partie I) ; une analyse des différentes formes de discrimination susceptibles d’entraver l’accès au logement et la manière dont les normes européennes et internationales tentent d’y remédier (Partie II) ; les questions de la discrimination dans le processus d’attribution d’un logement, public ou privé (Partie III) et de la discrimination durant l’occupationd’un logement (Partie IV) (« La discrimination dans le logement », 25/02/13 , J.Ringelheim et N. Bernard, Réseau Européen des Experts Juridiques en matière de Non-Discrimination, Commission européenne, Direction générale de la justice).

France :

Expulsion d’un campement de gens du voyage : la Cours Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) condamne la France
Le 17/10/13, la CEDH a condamné la France pour avoir prononcé en 2004, sans nécessité apparente, une expulsion d’un campement de gens du voyage sans leur proposer de solution satisfaisante de relogement. L’affaire concernant une procédure d’expulsion qui n’a finalement jamais été exécutée à Herblay (Val d’Oise), était portée par 26 personnes, de nationalité française et issues de la communauté des gens du voyage, et l’association ATD Quart Monde.  
Les 26 familles étaient établies sur ces terrains depuis de nombreuses années quand,  enseptembre 2004, à la demande de la Commune d’Herblay, le Tribunal de Grande Instance (TGI) les condamne à « évacuer tous véhicule et caravanes et à enlever toutes constructions des terrains dans un délai de trois mois (…) sous astreinte de 70 euros par jour de retard ». Le TGI condamne les occupants au motif qu’ils ont enfreint le Plan d’Occupation des Sols (POS).En effet, les terrains occupés, situés en zone naturelle dans le POS, ne peuvent être utilisés pour le camping caravaning que s’ils sont aménagés dans le respect des règles du code d’urbanisme, ce qui n’est pas le cas. 
Depuis 2004, certaines familles ont quitté le terrain, notamment par peur d’une expulsion, et occupent des lieux généralement inadaptés, d’autres ont été relogées dans un logement social. La plupart des familles habitent toujours sur le terrain et souhaitent être relogées sur des terrains familiaux.
Dans son arrêt, la CEDH condamne la France pour violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance). En effet, la Cour a considéré que « les requérants entretenaient des liens suffisamment étroits et continus avec les caravanes, cabanes ou bungalows qu’ils occupaient pour qu’ils soient considérés comme leur domiciles, indépendamment de la légalité de cette occupation selon le droit interne. » 
Par ailleurs, si la Cour a reconnu que les terrains occupés étant situés en zone naturelle, leur occupation pouvait effectivement constituer une atteinte aux droits et à la liberté d’autrui,l’intervention de la Commune devait être proportionnée, c’est-à-dire répondre à un « besoin social impérieux » et les motifs invoqués être « pertinents et suffisants ». Or, la CEDH a rappelé que la perte d’un  logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile. La Cour a considéré que les juridictions françaises avaient ordonné l’expulsion des requérants sans respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elles ont accordé une importance prépondérante à l'infraction au code de l’urbanisme sans prendre en compte à sa juste valeur le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile (« Affaire Winterstein et autres c. France, Requête no 27013/07, CEDH, 17/10/13).

Un agent immobilier condamné pour discrimination raciale :
Fin novembre 2010, une jeune femme avait appelé une agence immobilière pour effectuer une visite d’un appartement dans le XVe arrondissement de Paris mis en location, mais avait senti une hésitation de son interlocutrice à l'énonciation de son nom. Une heure plus tard, un coup de téléphone lui annonçait que le bien avait été loué. L'un de ses collègues avait alors rappelé l'agence en prétextant qu'il recherchait un logement en donnant un nom à consonance française et avait obtenu un rendez-vous pour le jour même. Alertée, SOS Racisme s'était livré à un testing, confirmant la discrimination à l'égard des personnes portant un nom à consonance étrangère.
L'agent immobilier a été condamné, le 10/12/13, à 2 000€ d'amende par le tribunal correctionnel de Paris pour discrimination et l'employée qui avait rappelé la candidate locataire pour lui signifier que l'appartement avait déjà trouvé preneur, a quant à elle été condamnée à 1000€ d'amende. Les deux prévenus, dont les éléments de personnalité "ne mettent au jour aucune propension à la xénophobie ou au racisme", relève le tribunal, ont également été condamnés solidairement à verser 2000€ de dommages et intérêts à la victime et 1 euro à SOS Racisme (Source : SOS Racisme)      

L’évacuation des bidonvilles roms : circulaires et cycles médiatiques
Dans cet article, G. Cousin montre que la circulaire du 26/08/12, relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites, n’a pas substantiellement changé l’action préfectorale, notamment en Seine Saint Denis. Par contre, l’auteur constate que sous l’effet structurant des travaux de la DIHAL (Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement), cette circulaire est devenue une « ressource juridique et politique, une base de discussion entre associations, administrations préfectorales, tribunaux et collectivités territoriales ». En ce sens elle contribue à « la construction d’une future politique nationale décentralisée de gestion des bidonvilles » (« L’évacuation de bidonvilles roms. Circulaires et cycles médiatiques », G. Cousin, Métropolitiques, 18/11/13).

Quand on appelle le 115, vaut-il mieux être Français ?
Le rapport annuel de la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) montre que 64% des demandes au Samu social (115) n’ont pas donné lieu à un hébergement en 2012, ceci alors que la loi établit que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Selon la FNARS, ce manque de place amène les centres d’hébergement à établir des règles d’attribution et donc une sélection des publics, imposées le plus souvent par leurs autorités de tutelle ». 
Ainsi, en 2012, une personne, si elle est de nationalité française, a 47% de chance d’avoir une place. Si elle est ressortissante de l’Union Européenne, ses chances baissent à 30%. Et si cette personne est originaire d’un pays hors UE, elles ne sont plus que de 22%. La FNARS estime que « ce phénomène n’est pas nouveau mais qu’il prend de l’ampleur par défaut de places suffisantes et adaptées ». La fédération d’associations de réinsertion avait déjà dénoncé, en juillet 2013, des « consignes », données par des services déconcentrés de l’Etat afin d’inciter les associations qui gèrent les centres d’hébergement à faire un tri parmi leurs résidents. Selon le directeur général de la fédération, « il n’y aura pas d’amélioration sensible de l’accueil des migrants sans renforcement des centres pour les demandeurs d’asile ». En effet, par manque de place dans les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA), un grand nombre d’entre eux se tournent vers le 115. 
Par ailleurs, la FNARS note que les étrangers ont aussi moins accès aux centres qui prévoient un accompagnement social, les familles de migrants étant le plus souvent mises à l’hôtel, en particulier dans les grandes villes. Ceci s’explique notamment par le fait que le parc d’hébergement d’urgence est inadapté à l’accueil des familles. De façon générale, le taux d’attribution des familles est particulièrement bas par rapport à tous les autres publics qui appellent le Samu social. 
La FNARS note aussi que la gestion au thermomètre est toujours d’actualité. Des places temporaires et de nuitées hôtelières sont fortement mobilisées l’hiver pour pallier au manque structurel de places pérennes. 
Pour le directeur général de la fédération, « on fabrique de nouveaux exclus chaque année, et ils ne sortent pas de l’exclusion donc, au final, le nombre de personnes à la rue grossit ». La population de personnes sans abri a effectivement augmenté de près de 50% en dix ans, selon une enquête de l’Insee publiée en juin 2013 (« Rapport annuel du 115 Année 2012 », FNARS et «Quand on appelle le 115, mieux vaut être français », M. Fauchier Delavigne,  Le Monde, 18/10/13).


1.2 Logement : documentation et informations générales

France :

Rénovation urbaine et équité sociale
En 2011, le département Questions sociales du Centre d’analyse stratégique – devenu depuis le Commissariat général à la stratégie et à la prospective – et le Secrétariat général du Comité interministériel des villes ont proposé un appel d’offres sur l’analyse de l’expérience américaine en matière de politique de la ville. La demande portait sur la compréhension de la mise en œuvre de la politique Choice Neighborhoods, substituée sous l’administration du Président Obama au précédent programme Housing Opportunities for People Everywhere, et mettant notamment davantage l’accent sur la possibilité pour les habitants des quartiers de choisir leur environnement et leur logement.
Le projet d’étude de T. Kirszbaum a été retenu à l’issue du processus de sélection. Son travail se fonde sur l’analyse de nombreux entretiens, avec les niveaux de décision et d’analyse fédéraux, ainsi qu’avec des acteurs locaux dans deux territoires américains diversifiés : Chicago et Boston. T. Kirszbaum souligne à la fois le changement d’objectif et de gouvernance de ce dispositif par rapport aux précédents, mais aussi l’innovation limitée dans les réalisations. Il en tire quelques préconisations pour la politique de la ville française, notamment sur la nécessaire participation des habitants et sur l’évaluation des programmes (« Rénovation urbaine et équité sociale Choice Neighborhoods aux États-Unis », T. Kirszbaum, 09/13).

L’architecture sans les habitants ? Les choix architecturaux dans les projets de rénovation urbaine
Dans cet article, P. Gaudric et E. Saint-Macary montrent que, dans le cadre des projets de rénovation urbaine, les choix architecturaux sont principalement motivés par le changement d’image des grands ensembles et négligent la conception interne des logements et les manières d’habiter des résidents. A partir d’une enquête portant sur six projets de rénovation urbaine, les auteurs remarquent notamment que les interventions architecturales prennent systématiquement le contrepied des principes des grands ensembles : recomposition du maillage viaire, disparition de la monumentalité au profit d’immeubles de plus petites taille, diversification des façades par l’imbrication de  volumes différents, création de balcons et coffrages extérieurs pour simuler la présence de plusieurs bâtiments etc. 
En ce qui concerne la conception des logements, « les architectes composent aujourd’hui avec une injonction contradictoire les incitant à construire des logements globalement plus petits (gain d’espace), mais dont les pièces ont des surfaces plus importantes (meilleure accessibilité) ». Cela les amène à réaliser des choix qui sont souvent critiqués par les habitants : suppression des entrées, réalisation de cuisines ouvertes sur le salon, regroupement des toilettes et de la salle de bain. Pour les auteurs, « ces difficultés sont symptomatiques de lafaiblesse de la réflexion théorique sur les manières d’habiter les logements sociaux » (« L’architecture sans les habitants ? Les choix architecturaux dans les projets de rénovation urbaine », P. Gaudric & É. Saint-Macary, Métropolitiques, 13/11/13).

Politique du logement locatif : une analyse et des propositions du Conseil d’Analyse Economique
Cette note du Conseil d’Analyse Economique (CAE) rappelle que « le logement est un bien de nécessité absolue qui justifie une intervention publique lorsque le marché produit spontanément de l’exclusion » mais que  « l’intervention publique doit être dosée avec précaution, sous peine d’être contreproductive ». Elle note qu’ « au regard de son coût (40 milliards d’euros en 2010 dont 16 milliards pour les seules aides au logement), la politique française du logement a été très peu évaluée, en raison, en particulier, d’un accès difficile aux données » et que  « la France dispose de trois outils principaux pour sa politique du logement locatif : la régulation des relations entre bailleurs et locataires, le logement social et le système des aides au logement ». 
Les réformes proposées par cette note visent à optimiser chacun de ces trois outils et de les mettre en cohérence afin de « favoriser la mobilité, réduire les inégalités territoriales et renforcer la cohésion sociale ». S’agissant du parc locatif privé, il est proposé un assouplissement des baux associé à une meilleure effectivité du droit au logement opposable et la mise en place d’une flexi-sécurité du logement. Les conflits seraient gérés en première instance par des régies paritaires de représentants des bailleurs et des locataires. Il est également recommandé que l’État internalise le coût des impayés, en se faisant créancier en dernier ressort des locataires pour éviter une augmentation des impayés du fait de la mutualisation des risques. Enfin, s’agissant du plafonnement des loyers, il est proposé de procéder à une expérimentation au préalable sur quelques territoires avant toute généralisation.
Afin de réduire les disparités géographiques en matière de logement social, le CAE propose d’ouvrir à la concurrence la construction et la gestion de logements neufs et d’allouer les aides en fonction d’indicateurs simples de tensions. Pour favoriser la mixité sociale, les subventions éventuelles seraient assises sur des indicateurs de ségrégation spatiale. Les règles d’attribution des logements seraient clarifiées par la mise en place d’un système par point au sein de chaque grand objectif du logement social. De plus, la mobilité serait favorisée par l’activation de surloyers en fonction de la durée d’occupation et des revenus.
Enfin, le CAE propose de mettre en cohérence le dispositif d’aides au logement avec l’ensemble de notre système redistributif en les intégrant dans le système d’impôt sur le revenu. Le loyer sous un plafond deviendrait déductible du revenu imposable. L’aide au logement se transformerait en impôt négatif pour les non imposés. Pour les imposés, elle deviendrait une réduction d’impôt. Selon le CAE, « cette réforme amoindrirait l’écart de situation entre les différents parcs de logement, au profit des locataires du parc privé qui ont le plus souffert des évolutions récentes des prix. Elle réduirait le risque de capture des aides au logement pour les propriétaires-bailleurs » (« La politique du logement locatif », A.Trannoya et E. Wasmerb, Les notes du conseil d’analyse économique, n° 10, 10/13).

2/ Discrimination : documentation et informations générales

Europe :

Un Etat membre ne peut refuser de façon automatique une aide sociale à un citoyen inactif venu d’un autre Etat
Un Etat membre de l’Union européenne (UE) ne peut refuser de manière automatique l’octroi d’une prestation sociale, fût-elle d’aide sociale, à un ressortissant d’un autre Etat membre économiquement non actif, au seul motif que celui-ci ne remplit pas les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour légal de plus de trois mois. Les autorités nationales doivent en effet procéder à une appréciation globale de la charge que représenterait l’octroi de cette prestation sur l’ensemble du système d’assistance sociale et ce, en fonction des circonstances individuelles caractérisant la situation de l’intéressé. Tel est le sens d’un arrêt rendu le 19/09/13 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). 
En l’espèce, un homme et son épouse, tous deux de nationalité allemande, avaient quitté l’Allemagne pour s’installer en Autriche en mars 2011. Le mari perçoit en Allemagne une pension d’invalidité et une allocation de dépendance tout juste suffisante pour payer son loyer. Son épouse, elle, ne perçoit plus de prestation depuis son installation en Autriche. L’homme a donc introduit une demande auprès de la caisse d’assurance vieillesse autrichienne pour recevoir le supplément compensatoire prévu par le droit autrichien, l’équivalent en France de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Cette prestation lui a été refusée au motif qu’il ne disposait pas de ressources suffisantes pour justifier d’un séjour régulier en Autriche en raison du faible montant de sa pension. En effet, l’article 7 de la directive 2004/38 du 29/04/04 relative à la libre circulation des personnes autorise un citoyen à séjourner plus de trois mois sur le territoire d’un autre Etat membre à condition de disposer d’une assurance maladie complète dans l’Etat membre d’accueil et de ressources suffisantes, afin de ne pas constituer une charge déraisonnable pour son système d’assistance sociale. Quelques mois plus tard, une cour d’appel a invalidé la décision de la caisse d’assurance vieillesse, qui a été condamnée à payer à l’intéressé le supplément compensatoire et a  formé un recours en «révision» contre cet arrêt. C’est cette dernière cour qui a souhaité sursoir à statuer et poser une question préjudicielle à la CJUE.
La CJUE relève que le fait qu’un ressortissant d’un autre Etat membre économiquement non actif puisse être éligible, au vu du faible montant de sa pension, au bénéfice d’une telle prestation pourrait constituer un indice de nature à démontrer que ce dernier ne dispose pas de ressources suffisantes pour éviter de devenir une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de cet Etat. Mais elle nuance immédiatement son propos : « Les autorités nationales compétentes ne sauraient tirer une telle conclusion sans avoir procédé à une appréciation globale de la charge que représenterait concrètement l’octroi de cette prestation sur l’ensemble du système national d’assistance sociale en fonction des circonstances individuelles caractérisant la situation de l’intéressé. ». En effet, explique-t-elle en premier lieu, « la directive 2004/38 n’exclut nullement toute possibilité d’octroi, dans l’Etat membre d’accueil, de prestations sociales aux ressortissants d’autres Etats membres ». Puis, elle relève, en deuxième lieu, que la directive « prévoit explicitement que les Etats membres ne peuvent pas fixer le montant des ressources qu’ils considèrent comme suffisantes, mais qu’ils doivent tenir compte de la situation personnelle de la personne concernée ». Ils doivent notamment « examiner si l’intéressé rencontre des difficultés d’ordre temporaire », prendre en compte la durée du séjour, la situation personnelle de l’intéressé, le montant de l’aide qui lui a été accordée…(CJUE, 19/09/13, aff. C-140/12, Source : ASH).

Les migrants européens inactifs ne perçoivent pas plus de prestations sociales que les ressortissants de leur pays d’accueil
Une étude publiée par la Commission européenne le 14/10/13 démontre que dans la plupart des pays de l’Union Européenne, les migrants inactifs (retraités, étudiants, chômeurs…) perçoiventgénéralement moins souvent que les autres des prestations d’invalidité et de chômageversées par des organismes de sécurité sociale. Ils sont également une très faible part à bénéficier de prestations en espèce à caractère non contributif (financées par l’impôt et non par des cotisations individuelles). 
Selon cette étude, la France ne fait pas exception : en 2012, elle comptait approximativement 3,8 millions de migrants, dont 1,4 étaient issus d’un autre pays européen. Le taux d’inactivité économique des migrants européens s’élevait à 50% (contre 48% pour les nationaux). Plus de la moitié des migrants européens sont à la retraite, la plupart ayant travaillé en France auparavant. En outre, en 2011, les migrants européens âgés ne représentent qu’1,1% des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (« A fact finding analysis on the impact on the Member States' social security systems of the entitlements of non-active intra-EU migrants to special non-contributory cash benefits and healthcare granted on the basis of residence », Commission européenne, 14/10/13).

L’Union Européenne devrait inciter les Etats membres à mettre en place « une politique d’intégration plus efficace de leurs populations roms »
Dans un rapport publié le 04/10/13, la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale note qu’ « aucune contrainte n’est imposée aux Etats membres » en ce qui concerne l’application des politiques d’intégration des populations roms. Les députés estiment que l’Union Européenne devrait prendre l’initiative d’actions prioritaires d’amélioration des conditions de vie de cette population. 
La commission des affaires européennes souhaite également que les procédures et demandes de financement pour l’intégration des roms soient simplifiées, « dans la mesure où celles-ci souffrent de trop de lourdeur et de complexité ». Par ailleurs, les députés invitent les populations roms elles-mêmes à « organiser leur représentation en mode associatif, de façon à constituer des interlocuteurs identifiés pour les autorités publiques » (« Rapport d’information sur l’intégration des populations roms », commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, 18/09/13).  

France

Fin de la période transitoire pour les ressortissants roumains et bulgares : quelles conséquences ?
Le 31/12/13 est la date de fin de la « période transitoire » imposée en France aux ressortissants roumains et bulgares par le traité d'adhésion de leurs deux pays à l'Union européenne (UE) du 25 avril 2005. A cette occasion le Gisti et le collectif Romeurope ont rédigé une note dont l'objet est de clarifier les effets que la fin de cette période implique (« Fin de la période transitoire pour les ressortissants roumains et bulgares. Quelles conséquences? », 12/13, Gisti et Romeurope).

Prestations familiales et mineurs étrangers : la Cour de Cassation affine sa jurisprudence
De nombreux parents d’enfants étrangers se voient refuser le bénéfice des prestations familiales au motif qu’ils ne peuvent justifier de la régularité de l’entrée et du séjour de leurs enfants sur le territoire national. Dans un arrêt rendu le 19/09/13, la Cour de cassation précise que les caisses d’allocations familiales (CAF) ne peuvent pas exiger, comme preuve de cette régularité, uncertificat de contrôle médical délivré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)dans le cas où l’enfant est entré en France de façon régulière avec ses parents en dehors de la procédure de regroupement familial.
L’affaire concerne un père, de nationalité marocaine, entré en France le 16/05/06, avec son épouse et son fils âgé de un an. Le père s’est vu refusé le bénéfice des prestations familiales par la Caisse d’Allocation Familiale du Lot au motif qu’il ne fournissait pas, pour son enfant, le certificat médical délivré par l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration). Après avoir réaffirmé que, à ses yeux, réclamer aux parents qu’ils apportent la preuve de l’entrée régulière en France de leurs enfants étrangers ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale, la Cour de Cassation censure la position de la CAF. En l’espèce, l’enfant en question était entré en France en même temps que ces deux parents, une « attestation délivrée par l’autorité préfectorale » en faisant foi. Les parents ayant prouvé la régularité de l’entrée et du séjour en France de leur enfant, ils peuvent dès lors bénéficier des prestations familiales (Cass. 2e civ., 19/09/13, n° 12-24.299, disp. sur http://www.legifrance.gouv.fr).

Décristallisation : une prolongation d'un an pour les anciens combattants afin de demander l'alignement de leurs pension
Le gouvernement a décidé de prolonger d'un an le délai de décristallisation des pensions des anciens combattants des anciennes colonies françaises cf Veille doc&infos LCD et Logement n°30. Après de nombreuses décisions juridiques (devant le tribunal administratif de Bordeaux, le Conseil d'Etat, la Halde) qui virent les droits de ces anciens combattants peu à peu reconnus, les pensions militaires de retraites, qui reviennent aux anciens combattants ayant servi plus de 15 ans dans l'armée française, étaient restées des indemnités non-indexables sur le coût de la vie. Avec le dispositif voté en 2010 pour la loi de finances de 2011, la décristallisation de ces pensions avait enfin pu avoir lieu. Mais cette décristallisation n'est pas automatique et relève d'une démarche personnelle, qui, initialement, était à formuler avant le 31/12/13 par des anciens combattants aujourd'hui très âgés, et pour une partie d’entre eux analphabètes. Une prolongation d'un an du délai pour demander la décristallisation des pensions, c'est-à-dire leur alignement sur le taux appliqué aux anciens combattants français, est donc actée à travers l'article 111 de la loi de finance pour 2014 (Loi n°2013-1278 du 29/12/13 - art. 111).

Les groupes de travail sur la refondation de la politique d'intégration rendent leurs conclusions en novembre 2013 … et créent la polémique  un mois plus tard
Installés en juillet 2013 cf Veille doc&infos LCD et Logement n°30, les cinq groupes de travail chargés par le Premier ministre de réfléchir à « la refondation de la politique d'intégration »avaient remis leurs relevés de conclusion le 13/11/13 au 1er ministre. Ces rapports avaient vocation à servir« de base au travail que le gouvernement engage désormais, pour définir les grands axes de la nouvelle politique d'intégrationde notre pays, qui sera annoncée d’ici la fin de l'année », indiquait Matignon.
Les cinq groupes ont travaillé respectivement sur les thématiques suivantes :
- « Connaissance, reconnaissance » : en lien avec les questions de culture, d'histoire et de mémoire, ce groupe fait une série de préconisations autour de six axes : « Faire France en reconnaissant la richesse des identités multiples »« Produire une histoire commune »« Ecrire de nouvelles pages de la mémoire collective des territoires par l'action culturelle et la création artistique participatives », « Reconnaître les langues et les cultures comme une compétence et atout de développement »« Favoriser les mobilités et la circulation des idées, des savoirs et des personnes » et enfin optimiser la gouvernance« pour répondre au défi d'une société plus égalitaire face à sa diversité » ;
« Faire société » (citoyenneté, services publics, dialogue avec la société civile) : trois grandes recommandations sont faites par ce groupe pour organiser la « gouvernance de l'action de l'Etat et des acteurs de la lutte contre les discriminations », pour favoriser « une démocratie de garanties et de développement »et enfin « pour équiper le droit des gens » ;
« Habitat » (ségrégations urbaines, ruralité, mobilité géographique), une thématique abordée à partir de trois angles : l'habitat diversifié, « pour quelle population et sur quel territoire ? » ; comment véritablement construire« en commun » (de la conception à la gestion des espaces publics) et le rôle et l'expertise des habitants (maîtrise d'usage, conception et gestion du projet) ;
« Mobilités sociales » (éducation, emploi, formation) : le groupe préconise à la fois uneapproche politique de cette question à travers « 20 principes pour fonder une politique publique »une approche stratégique via « sept leviers transversaux pour organiser l'action publique », ainsi que deux stratégies spécifiques, d'une part dans le domaine scolaire et universitaire et d'autre part dans le domaine de l'emploi et du travail. Le rapport  propose de « travailler le sentiment d'appartenance dans un contexte pluriel » en définissant un « Nous inclusif et solidaire » et « en dédramatisant l'altérité ». Il récuse « l'injonction d'intégration» qui se solde par une « normalisation » et prône une laïcité « dans un cadre strict mais ouvert ». Un des « leviers d'action » préconise de revenir sur la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux à l'école ;
- « Protection sociale » (prévention, accès aux droits, personnes âgées) : ce groupe fait des recommandations afin d'améliorer le recours aux dispositifs de droit commun, « rarement effectif », et prévenir les situations de rupture de droits, « très nombreuses », pour « généraliser et renforcer des dispositifs d’accueil et d'accompagnement adaptés », améliorer « des conditions de travail et de vie difficiles, source de grande précarité et d'un état de santé plus dégradé que la moyenne », pour « penser la formation des intervenants sociaux afin de prendre en compte la dimension multiculturelle de la société française » et enfin pour « repenser la gouvernance » en développant la participation des citoyens et la co-construction entre les acteurs locaux.
Une réunion interministérielle sur l’intégration devait avoir lieu début janvier 2014 au cours de laquelle devaient être évoqués les travaux remis au gouvernement. Mais  le Premier ministre a finalement décidé de reporter sine die cette réunion sur l'intégration.  En effet, la polémique déclenchée, le 13/12/13, suite à un article du Figaro, par certaines propositions des cinq rapports d'étape sur le sujet a eu raison de cette rencontre. Officiellement, cette décision est liée au« travail ministériel [qui] n'est pas achevé ». Dans les faits, la controverse a ravivé les tensions sur ce sujet complexe. Ces tensions semblent révéler une fois de plus les divergences d'analyse croissantes sur les discriminations entre élus de gauche et acteurs de terrain et milieu universitaire ainsi que leur cristallisation autour de la question du port du voile(« Refondation de la politique d’intégration : relevé de conclusions des groupes de travail », 13/11/13).

Baby Loup : le procureur général et la Cour d'appel de Paris défient la Cour de Cassation en confirmant le licenciement pour faute grave de la salariée voilée
Le 17/10/13, la Cour d’appel (CA) de Paris  était convoquée en audience solennelle, pour examiner une nouvelle fois l’affaire « Baby Loup ».
En 2008, la salariée avait été licenciée parce qu’elle avait annoncé son intention de porter le voile à son retour de congé maternité. Ce qu’avait refusé la directrice de la crèche, en lui opposant la « neutralité philosophique, politique et confessionnelle » inscrite au règlement intérieur depuis 1990. L’ex-employée avait été déboutée devant le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie (Yvelines) en novembre 2010 puis devant la CA de Versailles en octobre 2011.
Au mois de mars 2013, la Cour de cassation avait déjugé la CA de Versailles cf Veille doc&infos LCD et Logement n°28 et cf Veille doc&infos LCD et Logement n°23 estimant  qu’en l’absence d’une délégation de service public, c’est le droit privé qui doit s’imposer dans une crèche associative, lequel ne peut imposer un principe général de neutralité.L’affaire avait alors été renvoyée devant la Cour d’appel de Paris.
Siégeant en personne à l’audience du 17/10/13, le procureur général, M. F. Falletti, a préconisé la confirmation du licenciement, demandant à la Cour de « résister» à la Cour de cassation… ce qu’elle a fait avec des arguments pour le moins surprenants.
La Cour rappelle qu’une personne morale de droit privé, qui assure une mission  d’intérêt général, peut dans certaines circonstances constituer une entreprise de conviction et se doter de statuts et d’un règlement intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches ; qu’une telle obligation emporte notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion. 
La notion d’entreprise de conviction est parfois utilisée pour les structures ayant une identité religieuse, par exemple une école confessionnelle. La CA de Paris estime que le souhait de l’association Baby Loup de « transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s’adresse » et de mettre en œuvre des principes de laïcité et de neutralité ferait également d’elle une entreprise de conviction. Ce faisant, elle suit les arguments du procureur général pour qui il existerait « non seulement des entreprises de tendance religieuse, mais aussi des entreprises de tendance laïque ». 
Pour valider le fait que cette entreprise de « conviction » ait imposé des limitations justifiées par la nature des tâches à accomplir et  proportionnées au but recherché, la Cour estime  « qu’ellesrépondent aussi dans le cas particulier à l’exigence professionnelle essentielle et déterminante de respecter et protéger la conscience en éveil des enfants, même si cette exigence ne résulte pas de la loi ». Cependant, la Cour n’explique pas en quoi une personne qui affiche sa religion représenterait en soi une menace pour la liberté de conscience des enfants.
Alors que la Cour de cassation avait estimé que le règlement intérieur de la crèche Baby Loup contenait  une clause générale de laïcité et de neutralité applicable à tous les emplois de l’entreprise - ce qui est interdit, la Cour d’appel estime au contraire  que la « formulation de cette obligation de neutralité dans le règlement intérieur, en particulier celle qui résulte de la modification de 2003, est suffisamment précise pour qu’elle soit entendue comme étant d’application limitée aux activités d’éveil et d’accompagnement des enfants à l’intérieur et à l’extérieur des locaux professionnels ; qu’elle n’a donc pas la portée d’une interdiction générale puisqu’elle exclut les activités sans contact avec les enfants, notamment celles destinées à  l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier qui se déroulent hors la présence des enfants confiés à la crèche ».
Dès lors, pour la Cour d’appel,  les restrictions ainsi prévues sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, elles ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales, dont la liberté religieuse, et ne présentent pas un caractère discriminatoire ». 
En outre – et ce pourrait être une autre clé de compréhension du positionnement adopté par la Cour d’Appel – le comportement de Mme A. suite à sa mise à pied caractérise une faute grave : maintien sur les lieux de travail après notification de sa mise à pied conservatoire, agressivité envers les membres de la direction et de ses collègues de la crèche, pressions pour obtenir des témoignages en sa faveur auprès d’anciennes salariées ou de parents d’enfants inscrits à la crèche  au nom de la « solidarité entre musulmanes », insultes et menaces qui ont fait l’objet de mains courantes pour ceux qui avaient témoigné en faveur de l’association. 
L’ancienne salariée a déjà annoncé qu'elle allait se pourvoir devant la Cour de cassation, qui siègera en formation plénière (CA de Paris, n°13/02981, 27/11/13, Sources : blog de T. Vallat, avocat au Barreau de Paris et La Croix).

Neutralité, distinction entre missions de service public et missions d’intérêt général et précisions sur la notion de « participation au service public » : le Conseil d’Etat a remis son étude au Défenseur des droits
Le 20/09/13, faisant usage de cette prérogative pour la 1ère fois, le Défenseur des droits avait saisi la Haute juridiction d’une demande sur la distinction entre missions de service public et missions d’intérêt général et des précisions sur la notion de « participation au service public» cf Veille doc&infos LCD et Logement n°30. Le Conseil d’Etat a transmis le 19/12/13 à D. Baudis sa réponse sous forme d’étude.
Le Conseil d'Etat (CE) précise avant toute chose que son étude est  « purement descriptive [et] n'a par conséquent pour objet de dresser un panorama de la laïcité, ni de proposer des évolutions », quelles qu'elles soient, mais de dresser un constat du droit en vigueur.
De même, concernant « l’affaire Baby-Loup », pourtant largement mentionnée dans la saisine du Défenseur des droits, le CE n'entend « pas prendre parti sur cette affaire qui relève de la compétence des juridictions judiciaires ».
Cette étude se limite donc à présenter « l'état actuel du droit » : le CE rappelle que « la liberté des convictions religieuses est générale »même si« des restrictions peuvent être apportées à leur expression dans certaines conditions »Le principe de laïcité de l’Etat et celui de neutralité des services publics sont « la source d’une exigence particulière de neutralité religieuse de ces services ». Le CE prend soin de rappeler que « cette exigence s’applique en principe à tous les services publics mais ne trouve pas à s’appliquer, en tant que telle, en dehors de ces services.
Dans le champ professionnel, mais hors les services publics, « le droit du travail respecte la liberté de conscience des salariés et prohibe les discriminations, quelles qu’elles soient. Il peut toutefois autoriser des restrictions à la liberté de manifester des opinions ou croyances religieuses à la condition que ces restrictions soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ».
Concernant la distinction entre missions de service public et d’intérêt général, le CE précise que la mission de service public est soit directement assurée par une personne publique, soit, lorsqu’elle est exercée par une personne privée, organisée et contrôlée par la personne publique qui la lui a confiée. Ainsi, une même activité peut être, en différents endroits du territoire, tantôt un service public, tantôt une activité d’intérêt général. Dès lors qu’il s’agit d’une activité d’intérêt général et alors même qu’elle pourrait constituer un service public si elle était assumée par une personne publique, elle n’est pas soumise aux règles et principes du service public : si la liberté de conscience des salariés et l’interdiction des discriminations reste le principe, des restrictions peuvent être édictées dans les conditions rappelées ci-dessus.
Concernant la place des participants ou  collaborateurs occasionnels au service public, le CE rappelle que ni les textes, ni la jurisprudence n’en ont fait une véritable catégorie juridique. Dès lors, elle  ne peut être soumise à des exigences propres en matière de neutralité.L’usager de service public lui n’est pas soumis à l’exigence de neutralité religieuse. Néanmoins, « l’absence de soumission à cette exigence n’a pas pour conséquence que ces usagers –ainsi que les tiers à ce service et les collaborateurs et participants au service – disposent d’une entière liberté dans l’enceinte du service : des restrictions à la liberté de manifester leurs convictions résultent, pour certains services publics, de textes particuliers » et peuvent, dans chaque service, « être décidées et appliquées dans la mesure rendue nécessaire par le maintien de l’ordre public et le bon fonctionnement du service public » (« Etude demandée par le défenseur des droits le 20 septembre 2013 », CE, 19/12/13).

L’Observatoire de la laïcité et la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) recommandent de ne pas légiférer sur la neutralité dans les lieux d’accueil de la petite enfance
Le 15/10/13, l’Observatoire de la laïcité a émis un avis « sur la définition et l’encadrement du fait religieux dans les structures qui assurent une mission d’accueil des enfants ». Cet avis répond à une commande du Président de la République suite à l’arrêt « crèche Baby-Loup» de mars 2013 au cours duquel la Cour de Cassation a jugé qu’une crèche, même assurant une mission d’intérêt général, ne pouvait imposer un devoir de neutralité aux salariés. 
L’Observatoire de la laïcité rappelle que le principe de laïcité s’applique dans l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont gérés par des organismes de droit privé. Or la crèche baby loup, même si elle assure une mission d’intérêt général, n’est pas délégataire d’une mission de service public. Conformément au code du travail, la crèche baby loup, strictement associative et privée, ne peut apporter de restrictions à la liberté religieuse que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir, si elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et si elles sont proportionnées au but recherché. L’Observatoire rappelle la jurisprudence dans ce domaine : les critères qui peuvent permettre de restreindre les pratiques religieuses dans les entreprises sont les règles de sécurité et d’hygiène, l’absence de prosélytisme, l’organisation de la mission de l’entreprise ainsi que les aptitudes à sa réalisation et les intérêts commerciaux de l’entreprise. 
L’Observatoire de la laïcité note qu’une loi sur la neutralité dans les lieux d’accueil de la petite enfance serait susceptible d’être condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ou censurée par le Conseil Constitutionnel, dans la mesure où plusieurs droits fondamentaux, notamment la liberté de pensée, de conscience et de religion et le principe d’égalité, pourraient être atteints. 
L’Observatoire de la laïcité recommande donc plutôt au gouvernement d’édicter une circulaire interministérielle « rappelant clairement ce que le droit positif permet et ne permet pas selon la catégorie juridique à laquelle appartient le gestionnaire ». L’objectif, explique l’avis, est de donner les outils permettant aux crèches qui le souhaitent d’élaborer, pour des raisons qui leur sont propres, des règlements intérieurs limitant l’expression religieuse de leurs salariés, à la condition que ces restrictions soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, l’interdiction ne devant pas être « générale et imprécise ». 
Dans un avis adopté le 26/09/13, la CNCDH, sollicitée par l’Observatoire de la laïcité, avait retenu qu’il n’y avait « ni pertinence ni légitimité à légiférer » en matière de laïcité. La CNCDH se prononce donc également contre une extension du principe de neutralité aux personnes privées accomplissant des missions d’intérêt général (« Avis de l’observatoire de la laïcité sur la définition et l’encadrement du fait religieux  dans les structures qui assurent une mission d’accueil des enfants », 15/10/13 et « Avis sur la laïcité », CNCDH, 26/09/13) .

Religion au travail : le CESE également défavorable à une nouvelle loi
Dans un avis adopté le 12/11/13, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime que l’intervention du législateur n’est pas nécessaire aujourd’hui pour mieux encadrer les demandes religieuses dans le monde de l’entreprise et recommande plutôt une meilleure information sur les règles de droit applicables. S’agissant plus spécifiquement des structures privées des secteurs social, médico-social et de la petite enfance, telle la crèche Baby-loup, il plaide pour l’élaboration de règles de vie au travail « par la concertation et dans le respect du cadre juridique existant ». « La construction juridique qui pose les conditions d’exercice de la liberté religieuse dans l’entreprise est d’une grande cohérence », estime l’instance. Mais, cette construction juridique est également « complexe et d’appropriation difficile » et, par méconnaissance des règles, de nombreuses entreprises peuvent être tentées par une attitude de « déni » ou de « complaisance », avec des conséquences très négatives pour les relations de travail et la cohésion des équipes. Le CESE recommande en conséquence de mettre l’accent avant tout sur une meilleure lisibilité du cadre juridique. Il propose notamment que les règles de droit applicables  soient rappelées par la voie d’une circulaire de la direction générale du travail et déclinées sous forme de fiches techniques.
L’instance revient également sur le cas particulier des organismes privés exerçant des activités sociales d’intérêt général, parfois en relation étroite avec des collectivités publiques, qui n’entrent pas dans le champ du service public et ne peuvent donc se prévaloir d’une règle de neutralité opposable à leurs salariés dans la relation à l’usager. Telles les institutions sociales et médico-sociales intervenant auprès de publics vulnérables et les structures en charge de la petite enfance. Le CESE a étudié les différentes solutions juridiques proposées – comme l’extension du principe de neutralité par la voie législative – et recommande au final que, « sans recourir à la loi, les branches traitant de la situation des publics vulnérables soient invitées à s’impliquer (…) dans la rédaction de guides pratiques à l’instar de ceux existants dans certaines entreprises » (« Le fait religieux dans l’entreprise », E. Arnoult-Brill et G.Simon, CESE, 11/13, Aviset Note de synthèse).

Deux guides de l'Observatoire de la laïcité explicitent le droit aux responsables d’entreprises et de collectivités locales
Dans la continuité de son avis, l'Observatoire de la laïcité a également publié, le 18/12/13, deux guides destinés aux responsables d'entreprises et de collectivités locales : « Laïcité et collectivités locales » et « Gestion du principe du fait religieux dans l'entreprise privée », dans lesquels il rappelle, cas concrets à l'appui, le droit en matière de laïcité et de discrimination religieuse (« La gestion du fait religieux dans l’entreprise privée » et « Laïcité et collectivités locales », 17/12/13, Observatoire de la laïcité).

Contrôles d’identité au faciès : les juges déboutent les 13 plaignants pour absence de preuve et se déclarent incompétents pour juger de l’éventuelle responsabilité de l’Etat
Pour la première fois en France, 13 personnes s’estimant victimes de contrôles au faciès avaient engagé une procédure en responsabilité contre l’Etat et le ministre de l’Intérieur car elles estimaient avoir subi des contrôles d’identité discriminatoires cf Veille doc&infos LCD et Logement n°25. A l’appui de leurs demandes, elles fournissaient des attestations de témoins des scènes et s’appuyaient sur les études scientifiques existantes en la matière. 
Le 02/10/13, les demandeurs ont été déboutés par le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris de leur demande de réparation de leur préjudice moral par des décisions en tous points identiques, quel que soit le motif du contrôle et les circonstances de fait propres à chaque espèce. 
Rappelons que  le régime de partage de la charge de la preuve issu de la directive européenne « race et origine ethnique », transposée en droit français par la loi du 27/05/08, permet de renverser la charge de la preuve en matière de discrimination : le plaignant ne devrait qu’apporter des éléments de présomption, à charge pour le défendeur  de prouver que seuls des éléments objectifs et étranger à toute discrimination ont justifié les faits dont se plaint le demandeur. 
Cependant, le TGI a estimé qu’il ressortait tant des travaux parlementaires que des dispositions de la loi de 2008 que le législateur avait entendu restreindre ce renversement de la charge de la preuve uniquement aux relations professionnelles unissant son employeur à un salarié. Dès lors ces dispositions ne sont, selon lui, pas applicables pour « mettre en cause la responsabilité de l’Etat en invoquant un dysfonctionnement du service public de la justice » et les attestations fournies ne peuvent être suffisantes pour prouver le comportement discriminatoire des forces de police. 
Cette interprétation de la charge de la preuve de la part du TGI pourrait être contestée. D’autre part, il ne semble pas tenir compte du fait qu’une des difficultés en la matière est que les agents de police n’ont pas à craindre d’engager leur responsabilité en cas de contrôles « controversés » puisqu’ils n’ont aucune obligation de délivrer une preuve du contrôle.  A l’inverse, les victimes des contrôles répétitifs et discriminatoires n’ont aucun moyen de faire valoir leurs droits et sont donc enfermées dans ce système « sans traces » …
Pour le TGI, les demandeurs critiquaient en réalité le régime juridique applicable aux contrôles d’identité et l’absence de garanties procédurales entourant sa mise en œuvre, notamment le respect des droits fondamentaux de la personne humaine. Or, il ne ressort pas de sa compétence et, plus largement, de celle des juridictions de l’ordre judiciaire de « se prononcer sur l’éventuelle responsabilité de l’Etat du fait de l’adoption d’une loi dont les dispositions feraient l’objet de discussions ». 
A noter également le dépôt, le 06/11/13 par JC Lagarde, d’une proposition de loi qui vise à instaurer la remise, à la suite de chaque contrôle, d’une attestation de contrôle d’identité et l’introduction d’un procès-verbal de contrôle destiné à consigner par écrit les contrôles d’identité (Sources : « La justice française renvoie au législateur le soin de se prononcer sur les contrôles d’identité au faciès », A. Keles, 28/11/13 in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF ; Décision du TGI de Paris, 02/10/13, n° 12/05884 ; Proposition de loi relative aux contrôles d’identité du 06/11/13).

L’égalité trahie: l’impact des contrôles au faciès en France
Ce rapport, publié par Open Society Justice Initiative, souhaite démontrer l’impact des contrôles au faciès et les conséquences qui en découlent « pour les individus, pour leurs réseaux sociaux, mais aussi pour la police elle-même et pour la sécurité du public. » Pour ce faire, il aborde la situation sous l’angle des témoignages et de l’histoire personnelle de ceux pour qui les contrôles policiers et les fouilles arbitraires, sur la seule base de leur apparence physique, font partie de la vie quotidienne (L’égalité trahie: l’impact des contrôles au faciès, Open Society Justice Initiative, 2013).

Classement des villes de France en matière de lutte contre le racisme et les discriminations : Villeurbanne en tête et Marseille en queue
Les associations République & Diversité et le CRAN ont publié le 04/12/13 le baromètre des villes contre le racisme, classement qui mesure la contribution des 50 plus grandes villes de France à la lutte contre les discriminations liées aux origines.
Les  villes sélectionnées ont été notées sur 100 points en fonction tant de leurs politiques internes mises en œuvre que de leurs politiques publiques. En recoupant leurs réponses avec des visites de terrain, des recherches et des échanges avec les associations, un jury a attribué une note à chaque ville, sur une échelle de 1 à 100 puis un A, B, C... sur le modèle des agences de notation.  
Concernant les chiffres clés : les notes vont de 10 à 79 sur 100 ; la moyenne est de 42,26/100; seulement 18 villes sur 50 ont obtenu la moyenne et 9 villes ont une note inférieure à 20. En tête du classement, on retrouve Villeurbanne (79/100), Montreuil (77/100), Paris (74/100) et Toulouse (70/100). En bas du classement : Marseille (10/100), Aix en Provence (11/100), Versailles (13/100) et Boulogne-Billancourt (14/100).
En terme politique, le CRAN note une « surreprésentation » des villes de gauche en haut du classement (9 sur les 10 premières) et des villes de droite en bas du classement (8 sur les 10 dernières). En terme géographique, la région PACA est particulièrement présente dans le bas du classement (4 villes sur les 10 dernières). Un guide des «bonnes pratiques» devrait être présenté par l'association, à Paris lors d'un colloque le 08/01/14 (« Baromètre contre le racisme, classement des villes de France en matière de lutte contre le racisme », République & Diversité et le CRAN, 04/12/13).

Discriminations : état de la recherche
L’Alliance de recherche sur les discriminations (ARDIS) dont l’objet est de fédérer sur l’ensemble de l’Île-de-France les équipes de sciences sociales qui travaillent sur le champ des discriminations, a organisé, le 13/12/13, un colloque pour établir un premier état de la recherche sur les discriminations.
L’objectif était de valoriser les recherches sur l’identification, la mesure, l’expérience, les causes et les conséquences des discriminations, tout en contribuant à évaluer les politiques de prévention et de lutte contre les discriminations. Dans ce cadre, elle a mis en ligne la majeure partie des contributions des intervenants au colloque (Accès aux contributions).

ATD Quart Monde : un livre blanc et un nouveau testing pour la reconnaissance d'une discrimination en raison de la précarité sociale
A l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère, le 17/10/13, ATD Quart Monde a publié un livre blanc sur les liens entre discrimination et pauvreté en vue de demander la reconnaissance de la discrimination pour précarité sociale. Apres avoir « balayé une partie du spectre théorique et des dommages que la stigmatisation et la discrimination peuvent entrainer chez les personnes en situation de précarité ou de pauvreté », le livre blanc revient sur les résultats des testings déjà effectués en matière d’accès à la santé et de discriminations territoriales. ATD Quart Monde, en partenariat avec ISM Corum, a également effectué un nouveau testing  en mobilisant de nouveaux critères : la domiciliation en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et le passage dans une entreprise d'insertion au cours du parcours professionnel. Plus de 700 candidatures ont été envoyées, dans les domaines du nettoyage, de la vente en boutique et de la restauration. Des CV contenant une adresse en CHRS ou une expérience professionnelle en entreprise d’insertion ont été envoyés en parallèle de CV de référence, mettant en avant un parcours relativement neutre. Les résultats du testing montrent que 83% des candidats « neutres » obtiennent un entretien, contre seulement 53% des candidats ayant un CV révélateur d’une certaine précarité sociale. Pour ATD Quart Monde, « le rapprochement de ces testingsrévèle l’existence d’une discrimination en raison de la précarité sociale qui peut se cumuler avec d’autres, en raison du genre ou de « l’origine ethnique »par exemple, mais qui peut aussi suffire à expliquer, à elle seule, un traitement inégal. Ce livre blanc souhaite  soutenir la demande de reconnaissance d’un critère de discrimination en raison de la précarité sociale, demande également portée par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme cf Veille doc&infos LCD et Logement n°30 (« Discrimination et pauvreté, livre blanc : analyse, testing et recommandations », ATD Quart Monde/ISM Corum, 10/13).