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1/ Discriminations :
1.1 Discriminations et logement :
France :
« Logez sans discriminer » : un guide de bonnes pratiques pour les professionnels du logement et de l’hébergement
Ce guide a été élaboré dans le cadre du Plan de Lutte Contre les Discriminations de la Ville de Saint-Priest (69) où le volet logement est animé par le CLLAJ de l’Est Lyonnais / Logement & Jeunes. Il a étéélaboré par les professionnels du logement de ce territoire et conçu comme un outil au service des professionnels, dans une logique de réduction des risques discriminatoires. Le guide distingue 17 risques principaux regroupées en trois « zones de risque » : l'accueil, l'information et l'orientation du public ; l’enregistrement et les délais de traitement des demandes de logement ; l’attribution du logement. Ce guide a également l’intérêt de proposer une grille d’auto-évaluation pour les bailleurs sociaux mais également une pour les gestionnaires de CHRS, de résidences sociales et de logements temporaires (« Logez sans discriminer, guide des bonnes pratiques pour les professionnels du logement », 2013, Ville de Saint Priest).
Durée d’accès à un logement social : le critère de l’origine ethnique se combine avec d’autres caractéristiques sociales et familiales
L’objectif de ce travail, réalisé par L. Bonnal, R. Boumahdi et P. Favard, est de mettre en évidence les caractéristiques individuelles ayant un effet sur la durée d’obtention d’un logement social. Les données utilisées sont issues de l’enquête Logement 2006 de l’Insee.Les résultats montrent que les critères familiaux et sociaux ne sont pas les seuls critères retenus par les bailleurs sociaux lors de l’attribution de logement. En particulier, louer aux ménages les plus modestes et/ou aux ménages de nationalité non européenne ne semble pas être prioritaire. En effet, à niveau d'études du chef de famille, à composition de la famille, à situation sur le marché du travail et à localisation fixés, les ménages non européens, mettent plus de temps à obtenir un logement social que les ménages européens. Pour les auteurs, « il semblerait donc que, pour l'accès au logement social, le critère de l'origine ethnique se combine avec d'autres caractéristiques sociales et familiales pour expliquer les refus ou la plus grande lenteur du traitement des demandes ».
A partir de ces résultats, les auteurs choisissent d'estimer la durée moyenne d'attente avant l'obtention d'un logement social ainsi qu'un certain nombre de probabilités d'obtention du logement avant (fonction de répartition) ou après une certaine période de temps (fonction de survie). Pour chaque type de ménages, 3 profils ont été considérés : celui associé aux caractéristiques les plus favorables à l'obtention rapide d'un logement (baccalauréat plus deux années, d'origine européenne, occupant un emploi à durée indéterminée, ayant des revenus supérieurs à la moyenne des demandeurs, sans problèmes de loyer impayé), appelé le ménage « favorisé » ; celui associé aux caractéristiques les moins favorables à l'obtention rapide d'un logement (revenus très faibles, chômeurs ou en emploi à durée déterminée, sans diplôme, ayant connu des problèmes de paiement de loyer et d'origine ethnique non européenne), appelé le ménage « défavorisé » et celui pour lesquelles les caractéristiques ont été prises à leur valeur moyenne, appelé le ménage « neutre ».
Selon les caractéristiques du ménage, la durée moyenne peut varier de moins de 2 mois à plus de 6 ans. Moins de 30 % des ménages « neutres » obtiennent leur logement dans l'année de la demande. Leur durée moyenne d'accès à un logement social varie autour de 4 ans.
Les ménages « défavorisés » ont une probabilité très faible (inférieure à 5 %) de voir leur demande satisfaites au bout de 5 années d'attente. A l'opposé, les ménages favorisés ont plus de 80 % de chance de trouver un logement dans l'année.(« Les déterminants de la durée d’accès à un logement social », L. Bonnal, R. Boumahdi et P. Favard, 03/11).
Gestion quotidienne de l’attribution des logements sociaux : une approche ethnographique du travail des agents des HLM
Cet article, paru en 2011, cherche à expliciter la manière dont les organismes HLM trient et sélectionnent les candidats à l’entrée du parc locatif social. Il s’appuie sur une enquête ethnographique réalisée au sein d’une entreprise sociale pour l’habitat et centrée sur l’observation des pratiques quotidiennes des agents de terrain. Il montre en premier lieu comment au-delà de l’arsenal juridique et règlementaire qui encadre son activité, le bailleur dispose encore de marges de manœuvre importantes dans les étapes de pré-sélection et de sélection des candidats. En effet, les flous, les ambigüités et les contradictions des normes confèrent aux agents un certain pouvoir discrétionnaire. Dans une seconde partie, il souligne l’importance des processus cognitifs de qualification et de catégorisation des clients inhérents aux pratiques d’attribution. En particulier, la distinction dichotomique entre les « bons » et les « mauvais » candidats est récurrente. Ces catégories, façonnées de manière collective, peuvent déboucher sur des phénomènes d’éviction de certains groupes. Cette analyse des pratiques professionnelles éclaire la manière dont se construisent, à l’intérieur des organismes HLM et dans les relations entre ceux-ci et leur environnement, des processus de discriminations systémiques («La gestion quotidienne de l’attribution des logements sociaux : une approche ethnographique du travail des agents des HLM », M. Bourgeois, 2011, Working papers du Programme Villes & territoires, Paris, Sciences Po).
Refus d’attribution par les demandeurs de logement social : une étude pour mieux comprendre le phénomène
Malgré une situation de déséquilibre important entre offre et demande, les organismes HLM ont dans le même temps à faire face à des refus relativement nombreux, de la part des demandeurs, des propositions d’attribution qui leur sont faites. L’Union Sociale pour l’Habitat a confié, en 2012, au cabinet FORS-Recherche sociale et au CREDOC une étude visant à mieux comprendre le phénomène et à identifier des pistes de progrès.
Cette démarche a consisté à brosser un panorama général des refus et des « refusants »; comprendre les stratégies, logiques et déterminants qui conduisent les ménages à demander puis à refuser ces propositions; étudier dans quelle mesure les procédures d’attribution peuvent avoir un impact sur les refus d’attribution et, plus globalement, quel regard porte ces ménages refusant sur des pratiques d’attribution qui vont conditionner la réalisation ou non de leur projet résidentiel.
L’analyse des données des bailleurs sur les refus de logement social révèle que le phénomène des refus n’est ni le fait d’un petit nombre de ménages qui refuseraient systématiquement toutes les offres qui leur seraient adressées, ni la simple conséquence de l’existence de «logements repoussoirs» qui seraient refusés par tous les demandeurs auxquels ils seraient présentés.
Les ménages ayant refusé un ou plusieurs logements au cours de l’année 2011 présentent des profils proches – voire, en de nombreux points, similaire – à ceux des emménagés récents constaté dans chacun des territoires. La seule nuance qu’il convient de noter réside dans la situation d’emploi et les niveaux de revenus : les ménages refusants semblent connaître des situations légèrement plus favorables que les ménages « acceptants », sans que la différence ne soit pour autant toujours bien marquée.
Par ailleurs, les ménages refusant rencontrés lors de l’enquête jugent leurs conditions de logement globalement satisfaisantessur le plan du loyer et des conditions de confort, l’attachement au quartier d’origine contribuant à rendre le demandeur particulièrement exigeant sur ce point.
Sur le plan de l’adéquation de l’offre de logement aux caractéristiques de la demande, l’analyse des données des bailleurs montre que les propositions qui sont faites aux demandeurs correspondent globalement à leurs attentes sur le plan de la taille du logement et du loyer qui leur sont proposés. Un seul bémol à signaler : la demande d’ascenseur, souhaitée par un ménage sur trois environ, et près de la moitié des demandeurs âgés de plus de 65 ans, n’est pas satisfaite dans un cas sur deux.
Concernant les motifs de refus, une disjonction relative apparait dans la hiérarchie des motifs renseignés par les bailleurs et ceux exprimés par les demandeurs eux-mêmes : alors que les caractéristiques du logement sont les premières en cause pour les bailleurs, le quartier est le principal motif de refus évoqué par les ménages, qui n’ont souvent pas hésité avant de refuser et qui ne regrettent au final pas leur choix.
Pour les auteurs, « cette disjonction entre motifs de la demande et motifs du refus illustre un phénomène majeur du refus : la proposition est une étape cruciale en ce sens qu’elle fait prendre conscience au ménage des enjeux réels qui traversent le projet de changer de logement. ». Cette « remise en perspective occasionnée par la formulation d’une offre – qui vient réifier / concrétiser leur demande – se traduit d’ailleurs par la montée en priorité de la question de la localisation, une « bonne » localisation étant considérée comme le facteur déterminant pour une insertion / reconnaissance durable dans la société ».
L’étude pointe également « un décalage important entre les manières dont est appréhendé le processus de changement de logement par les ménages et les logiques et pratiques d’attribution des organismes d’HLM et réservataires ». Les procédures reconnaissant au demandeur un statut d’acteur de son changement de logement restent « grandement limitées » et les caractéristiques intrinsèques du parc social et la localisation des logements proposés ne permettent pas toujours de convaincre les ménages de supporter les « coûts » (économiques, sociaux, psychologiques) inhérents à un changement de logement (« Etude sur les refus d’attribution par les demandeurs de logement social- Rapport final », FORS et Credoc pour l’USH, 11/12).
Logement social : le Défenseur des droits favorable à une grille de cotation
Dans le cadre de la discussion en cours du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), le Défenseur se prononce en faveur de la mise en place d’une grille de cotationpourgarantir l’égalité de traitement des demandes de logement social.
Dans son communiqué, il rappelle que le rapport de concertation préalable au projet de loi ALUR remis à la ministre du Logement en mai 2013, pointait du doigt les faiblesses du dispositif d’attribution des logements sociaux cf Veille doc&infos LCD et Logement n°29.
Par ailleurs, la mairie de Paris qui a annoncé en juillet 2012 son souhait de réformer le système d’attribution dans la capitale, a sollicité le Défenseur des droits pour s’assurer que le projet parisien garantisse l’égalité de traitement des demandes. Plus particulièrement, ce projet propose l’instauration d’une grille de cotation, par laquelle chaque demande serait qualifiée par des critères objectifs permettant un traitement équitable des demandes.
Après plusieurs réunions de travail avec la Direction du Logement et de l’Habitat de la Ville de Paris (DLH), le Défenseur des droits se prononce en faveur d’une grille de cotation de la demande et recommande que les demandes émanant des habitants ayant déjà un lien avec la commune (emploi, résidence) soient favorisées, en cas d’égalité de situation par ailleurs (Source : La lettre d’information du Défenseur des droits, n°1, 10/13).
La mixité dans les quartiers gentrifiés : un jeu d’enfants ?
Cet article se base sur une étude qui s’intéresse à la sociabilité des enfants d’un quartier parisien gentrifié socialement mixte (Les Batignolles dans le 17e arrondissement) et montre que les enfants, bien plus que leurs parents, ont des relations avec des enfants de milieux sociaux différents du leur (« La mixité dans les quartiers gentrifiés : un jeu d’enfants ? », J-Y. Authier et S. Lehman-Frisch, Metropolitiques, 02/10/13).
Mixité sociale : parcours, pratiques et usages des habitants du nouveau parc privé au Neuhof
Cette étude produite par l’Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville (ORIV) s’est donnée pour objectif d’observer le lien entre la diversification des formes d’habitat et l’objectif de mixité sociale dans le quartier du Neuhof (Communauté urbaine de Strasbourg) qui fait l’objet d’un projet de rénovation urbaine (PRU). L’étude a porté sur un périmètre de 563 logements privés, qui est celui de la TVA à taux réduit. Le PRU n’est pas achevé, plus de 500 logements privés doivent encore être livrés d’ici 2015.
Les résultats montrent que le processus de diversification de l’habitat a entrainé une diversification de la population du quartier, avec l’installation de ménages issus des classes moyennes et supérieures. Les équipements de proximité (mairie, médiathèque, commerces) sont bien fréquentés par les habitants du nouveau parc privé. Par contre, moins de la moitié des enfants en âge d’être scolarisés en maternelle et primaire le sont dans l’établissement du secteur (« Etude des parcours, pratiques et usages des habitants du nouveau parc privé au Neuhof, Projet de rénovation urbaine du Neuhof – Strasbourg », Dossier thématique et Synthèse, ORIV, 06/13)
Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires : pour une réforme radicale de la politique de la ville
M-H Bacqué et M. Mechmache, missionnés par F. Lamy, ministre délégué chargé de la ville pour élaborer des propositions sur la participation des habitants des quartiers, ont remis, le 08/07/13, leur rapport.Sur la base des travaux de la commission composées de responsables associatifs, d’élus locaux, de professionnels et de chercheurs, ainsi que de nombreuses rencontres sur le terrain, le rapport appelle à une « réforme radicale de la politique de la ville ». Constatant que « la conduite de la politique de la ville « par le haut », n’a jusqu’à présent pas produit la dynamique sociale attendue », le rapport rappelle que la « participation » n’est pas que la communication ou la concertation autour de projets de politiques publiques. C’est aussi une perspective de « transformation sociale », qui prend en compte les enjeux de pouvoir et les inégalités dans le débat démocratique.
Donner le « pouvoir d'agir » aux habitants des quartiers populaires passerait par une politique d'empowerment qui ne soit pas conçue comme « un moyen d'accompagner la disparition des moyens, ni de remplacer le droit commun ou les services publics ». Au contraire, l'empowerment à la française impliquerait une « intensification des politiques publiques (…) co-élaborées et qui s'appuient sur les initiatives citoyennes ». Cette politique suppose également la « reconnaissance des collectifs, amenant à dépasser la hantise française du communautarisme ». Elle devrait accompagner « la démocratisation de la démocratie représentative par le droit de vote aux populations étrangères aux élections locales, véritable préalable pour parler de participation dans les quartiers populaires », par la mise en place d’un ensemble de règles (comme le non cumul du mandat) permettant « d’élargir le système représentatif, par une diversification sociale, culturelle et d’origine du profil des élus ». Les auteurs soulignent que « ces enjeux dépassent l’échelle de la politique de la ville en ce qu’ils interrogent de façon large le fonctionnement démocratique ».
Ces nouvelles orientations visent à « favoriser l’existence de contre-pouvoirs c’est-à-dire d’espaces critiques et créatifs, à favoriser une démocratie d’implication et donner le droit à l’interpellation, et à créer ainsi les conditions pour une construction plus inclusive de l’intérêt général ».
Cette politique implique de « sortir du paradigme de l’exclusion et du handicap, de changer l’image des quartiers, et d’y prendre l’histoire et les mémoires des luttes ». Dans ce cadre, « reconnaître l’existence de quartiers populaires n’implique pas pour autant d’entériner la ségrégation spatiale mais bien de reconnaître le rôle et les spécificités de ces quartiers, y compris dans l’innovation ». De même, « les questions de la discrimination et de la gestion de l’héritage colonial sont devenues des enjeux majeurs que les forces politiques comme les politiques publiques n’ont pas encore pris à bras le corps ».
Cette politique passe également par « la prise en compte de la conflictualité sociale, par une attention à la parole des plus précaires ou des dominés, par une réflexion permanente sur les questions et les enjeux de pouvoir qui traversent les relations sociales ».
Les auteurs fondent leurs propositions sur 5 orientations majeures : appuyer le développement du pouvoir d’agir ou une démarche d’empowerment ; mettre les citoyens au coeur des services publics ; démocratiser la politique de la ville ; changer l’image des quartiers ; accompagner un renversement de démarche par la formation et la co-formation.
Le rapport détaille 27 propositions et leur financement autour de quatre grands axes : créer une Autorité administrative indépendante en charge de la gestion d’un fonds de dotation pour la démocratie d’interpellation citoyenne ; soutenir la création d’espaces citoyens et les reconnaître (mise en place de « tables locales de concertation » et d’une plateforme nationale ) ; créer une fondation régionalisée pour le financement des actions pour la solidarité sociale ; faire des instances de la politique de la ville des structures de coélaboration et de codécision.
Ces axes sont accompagnés d’un enjeu transversal, changer le regard sur les quartiers populaires, et d’une proposition de méthode autour de la co-production, la coformation et l’évaluation (« Pour une réforme radicale de la politique de la ville-Ça ne se passera plus sans nous-Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires ; Rapport au Ministre délégué chargé de la Ville », M-H Bacqué et M. Mechmache, 07/13 ; Synthèse du rapport et site de la mission Participation).
Projet de loi réformant la politique de la ville : vers une simplification et une concentration des moyens
Le conseil des ministres a approuvé, le 02/08/13, le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine présenté au gouvernement par le ministre délégué chargé de la ville, F. Lamy, qui réforme le cadre de la politique de la villeen allant « vers une simplification et une concentration des moyens ».
Ce texte court de 18 articles, qui doit désormais être débattu au Parlement, souhaite répondre à l'objectif affiché de concentrer les efforts et les moyens de l'Etat pour passer de 2.500 Cucs à 1.000 quartiers "prioritaires" et de 750 ZUS à 200-250 quartiers « très prioritaires ».
La nouvelle génération de contrats de ville 2014-2020 sera « à caractère unique et global ». Les contrats s'appuieront sur quatre piliers : le social « dans son acception large », l'urbain, l'économique et l'environnemental. Ils mobiliseront les crédits spécifiques de la politique de la ville, les moyens de droit commun de l'Etat et des collectivités territoriales. Leur portage sera intercommunal. Les maires resteront signataires des contrats de ville et leur rôle en matière de « proximité » sera valorisé. Pour la première fois, « est inscrit dans la loi le principe fondamental d'une co-construction de la politique de la ville avec les habitants », qui doivent notamment participer à la réflexion conduite autour des projets de renouvellement urbain de leur lieu de vie (Projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, 02/08/13).
Occupation sans droits ni titre d’un immeuble par des Roms : le TI de Poitiers accorde un délai à ses occupants en se basant sur leur appartenance à un « groupe socialement défavorisé »
Le Défenseur des droits a présenté des observations devant le juge des référés du Tribunal d’instance de Poitiers dans le litige opposant à la mairie de Poitiers, propriétaire des lieux, des familles roms occupant un immeuble, sans droit ni titre. Le juge a suivi les observations du Défenseur des droits (Décision n° MLD/2013-110 du 16 mai 2013) et a accordé un délai de quatre mois et souligné des points de droits. Il a relevé que la situation des familles doit être examinée in concretoen respectant un équilibre entre les intérêts en présence, notamment l’intérêt supérieur des enfants ; que la suppression ou la réduction du délai de deux mois prévu par l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution n’est qu’une faculté même lorsqu’il y a voie de fait ; le délai doit prendre en compte la situation réelle ainsi que les droits fondamentaux en jeu, comme l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à la vie privée et familiale, etc. ; que les Roms constituent un « groupe socialement défavorisé » et peuvent, de ce fait, faire l’objet de discriminations dans l’accès au logement ; que l’atteinte au droit de propriété est limitée lorsque le propriétaire est une personne publique car celle-ci est responsable de mettre en place une politique destinée à éradiquer la pauvreté et l’exclusion.
Enfin, le juge a mis en œuvre la possibilité de transmettre l’ordonnance au préfet afin de faciliter le relogement des familles (Décision n° MLD/2013-110 du 16/05/13 ; TI de Poitiers 28/06/13; Source : La lettre d’information du Défenseur des droits, n°1, 10/13).
2/ Discrimination : documentation et informations générales
Europe :
Intégration des Roms : la Commission européenne veut « accélérer les progrès »
Le cadre de l’Union européenne (UE) pour les stratégies nationales d’intégration des Roms, adopté en 2011, n’a pas produit les effets escomptés : selon un rapport de suivi de la Commission européenne, publié le 26/06/13, la population rom continue d’être confrontée aux expulsions forcées, à la ségrégation dans les écoles et aux crimes de haine. Peu d’Etats membres ont alloué un financement suffisant à la mise en œuvre de leur stratégie d’intégration. De même, trop peu d’actions ont été mises en œuvre « pour combattre les discriminations et expliquer les effets bénéfiques, du point de vue social et économique, de l’intégration des Roms ». Aussi, dans uneproposition de recommandation présentée le même jour, la Commission appelle-t-elle les Etats membres à « accélérer les progrès ». Pour entrer en vigueur, cette proposition de recommandation, non contraignante par définition, devra être adoptée à l’unanimité des Etats membres au sein du Conseil, puis approuvée par le Parlement européen. Puis les Etats membres auront alors deux ans pour mettre en pratique les mesures nécessaires en vue de se conformer à la recommandation.
Dans sa proposition de recommandation, la Commission demande aux Etats membres de prendre des mesures d’action positives pour combler les écarts entre les Roms et le reste de la population. Elle préconise «des mesures ciblées pour garantir l’égalité de traitement et le respect des droits fondamentaux, notamment l’égalité d’accès des Roms à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé, au logement et aux réseaux publics». La Commission européenne estime également que les Etats membres doivent allouer suffisamment de fonds à la mise en œuvre de ces mesures, « prélevés sur toutes les sources de financement disponibles (locales, nationales, européennes et internationales)».
Le projet de recommandation donne ensuite des orientations aux Etats membres pour les aider à élaborer des actions d’intégration des Roms et, enfin, la Commission préconise des mesures structurelles, telles que la mise en place de plans ou de stratégies d’action locales comprenant « des données de départ, des points de référence et des objectifs mesurables » ainsi qu’unecoopération transnationale. Elle encourage également la participation des autorités locales et de la société civile locale au réexamen, à la gestion, à la mise en œuvre et au suivi des stratégies nationales (« Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions sur les avancées réalisées dans la mise en œuvre des stratégies nationales d'intégration des roms », com (2013) 454 final, 26/06/13 ; « Proposition de recommandation du conseil relative à des mesures efficaces d’intégration des Roms dans les États membres » 2013/0229 (NLE) ; source : ASH).
France :
Mesurer la discrimination : les apports de l’économie expérimentale
À partir d’une série de jeux comportementaux, un groupe de chercheurs en économie expérimentale évalue la discrimination subie par les immigrés musulmans de la part de Français établis de plus longue date dans l’Hexagone. Pour les auteurs de cette contribution, les immigrés musulmans subissent une discrimination par goût cf:La discrimination par goût théorisée par Becker (1957) repose sur des préférences discriminatoires qui amènent un individu à ressentir une hostilité irraisonnée à l’égard d’autres individus, en raison de l’appartenance de ces derniers à un groupe démographique ou social particulier , c’est-à-dire qui ne repose sur aucun fondement rationnel, de la part des Français établis de plus longue date dans l’Hexagone. Par ailleurs, elle révèle que cette discrimination s’exacerbe lorsque la proportion de musulmans dans l’environnement de ces Français augmente » (« Mesurer la discrimination : apports de l'économie expérimentale », M-A valfort, C. Adida, D. Laitin, La vie des idées, 02/05/13).
Un guide pour lutter contre les idées reçues envers ceux qu’on appelle les Roms
Le collectif Romeurope, avec le soutien financier le conseil régional d’Ile-de-France, a publié une brochure intitulée « Ceux qu’on appelle les Roms, luttons contre les idées reçues », qui décrypte les principaux préjugés sur cette population. Les thèmes du séjour, de l’habitat, du travail, de l’éducation et de la santé sont abordés. Ce document de 20 pages est destiné tant au grand public qu’aux élus et professionnels, puisqu’il fournit les références des textes de loi et d’études universitaires (« Ceux qu’on appelle les Roms, luttons contre les idées reçues », Collectif Romeurope, 24/03/13).
Politique d’évacuation des bidonvilles : l’Observatoire du Collectif National Droits de l’Homme Romeurope constate sa poursuite et « la multiplication de discours stigmatisants » envers les Roms …
Ce rapport de l’Observatoire du Collectif National Droits de l’Homme Romeurope (CNDH Romeurope) porte sur la question de l’accès aux droits des citoyens européens vivant en bidonvilles et la mise en œuvre de la circulaire interministérielle du 26/08/12 qui définit le cadre théorique d’une politique publique concertée cf Veille doc&infos LCD et Logement n°26 sur la période allant du début de l’année 2012 au mois de mai 2013.
En matière d’accès aux droits, il fait le point sur la réglementation mais aussi la jurisprudence concernant le séjour et l’éloignement, l’habitat, le travail, la santé, les droits sociaux et les droits de l’enfant.
Dans une seconde partie il revient sur le cadre théorique de la circulaire du 26/08/13 et la manière dont elle est appliquée en réalité. Le CNDH Romeurope constate « une grandedisparité de traitements entre les différentes régions et départements dans le voletpréventif de la circulaire du 26 aout 2012. Les évacuations des bidonvilles et squats se poursuivent sans que des solutions ne soient proposées aux familles et en dehors du cadre fixé par la circulaire interministérielle. » Le collectif note que la « mission confiée au délégué interministériel à l’hébergement et a l’accès au logement (DIHAL), concernant la mise en œuvre de la circulaire, montre une réelle volonté d’apporter un cadre de référence aux acteurs locaux (préfectures) ». Mais, sur le terrain, « c’est une autre réalité qui prédomine avec la multiplication de discours stigmatisants, véhiculés par des élus et la poursuite d’une politique d’évacuation des bidonvilles qui ne fait que renforcer la précarisation de ces populations (« Rapport d’Observatoire 2013 », CNDH Romeurope, 06/13).
… tandis qu’Amnesty International dénonce la poursuite du « cycle infernal » des expulsions forcées de Roms en France
« Pour les populations roms en France, l'arrivée du gouvernement de François Hollande il y a plus d'un an n'a pas mis fin au cycle infernal des expulsions forcées », a constaté Amnesty International (AI) en présentant, le 25/09/13, un rapport intitulé « Condamnés à l'errance, les expulsions forcées de Roms en France ». « Les Roms continuent d'être chassés de leurs lieux de vie, jetés à la rue sans solution de relogement » et « se retrouvent sans abri », dénonce en effet l'ONG dans ce document qui s'appuie sur des recherches menées à Lille, Lyon et Paris et dans les communes périphériques.
Selon AI, les conditions de mise en œuvre de la circulaire du 26/08/12 sont jusqu'à présent inadéquates et hétérogènes. N’ayant pas force de loi, les préfets sont libres de l'appliquer ou non. Un « caractère discrétionnaire» aux conséquences lourdes sur la vie des personnes visées,« dont le traitement dans le cadre d'opérations d'évacuation varie selon les départements ».
Il en va de même pour les recommandations élaborées par la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) au sujet des opérations d'évacuation qui sur le terrain sont appliquées de « manière très inégale », malgré « le volontarisme et le sérieux du travail effectué par le préfet Alain Régnier et son équipe ».
Pourtant, AI rapporte des exemples positifs d'accompagnements qui « témoignent de la possibilité de trouver des solutions d'insertion viables ». Mais « le manque de poids politique et de pouvoir de contrainte de la DIHAL limite sa capacité d'action contre les expulsions forcées, et les projets d'accompagnement et d'intégration qu'elle préconise entrent en contradiction avec la volonté d'exécuter les décisions d'évacuation implacablement » (« Condamnés à l'errance, les expulsions forcées de Roms en France », Amnesty International, EUR 21/007/2013, 25/09/13).
Refus d’accès à l’aide médicale d’Etat pour ressortissant communautaire : discrimination en raison de l’origine
La réclamante, de nationalité roumaine, s’est vu refuser le bénéfice de l’aide médicale d’État (AME) par la caisse primaire d’assurance maladie. La caisse se réfère à une circulaire du 9 juin 2011 qui exigerait que les ressortissants communautaires détiennent une couverture médicale préalable à l’entrée sur le territoire français et disposent de ressources suffisantes pour séjourner régulièrement sur le territoire français. Or, le code de l’action sociale et des familles dispose que l’AME est réservée aux étrangers résidant en France depuis plus de trois mois et en situation irrégulière.
La circulaire du 9 juin 2011 ne porte pas sur l’AME, mais sur la régularité du séjour, et est donc invoquée à tort par la CPAM. Cette interprétation conduit à pénaliser les ressortissants communautaires en raison de leur nationalité et est donc discriminatoire. Le directeur de la CPAM a pris en compte les courriers du Défenseur des droits, a réexaminé la situation de la réclamante, et donné instruction à ses services de revoir les dossiers des ressortissants communautaires inactifs qui s’étaient vu refuser l’AME.
Le Défenseur a pris acte de cette issue favorable et a formulé une recommandation générale demandant à la CNAM de rappeler les dispositions légales applicables à l’ensemble des CPAM (Décision n° MSP-MLD-2013-130, 14/06/13).
Emploi privé : harcèlement moral discriminatoire en raison de l’origine
Le réclamant, charpentier soudeur, indique être régulièrement victime de propos à caractère raciste de la part de ses collègues de travail. En novembre 2011, il découvre sur le tableau d’affichage la photographie d’un primate avec son prénom manuscrit. L’employeur finit par critiquer ce geste dans une note de service. Le réclamant est arrêté pour dépression et démissionne peu après. Il saisit le Défenseur des droits. Dans sa décision, le Défenseur des droits considère que l’obligation de protéger le salarié contre le harcèlement, qui est une obligation de résultat, n’a pas été remplie par l’employeur. Au terme de la loi du 27 mai 2008, un acte unique peut constituer un harcèlement moral discriminatoire. Le Défenseur constate que le harcèlement moral discriminatoire est caractérisé et que la démission doit s’analyser comme une prise d’acte et constitue un licenciement sans cause réelle. Le Défenseur invite l’employeur à réparer le préjudice causé et présentera le cas échéant ses observations devant la juridiction qui pourrait être saisie (Décision n° MLD- 2013-98, 01/07/13).
Mission d'information sur les immigrés âgés de l’Assemblée nationale : 82 propositions pour reconnaitre la réalité de leur vieillissement en France et en tirer toutes les conséquences
La Mission d'information sur les immigrés âgés a été créée par la conférence des présidents, le 20/11/12. Son rapport a été remis le 02/07/13 à C. Bartolone après qu’elle ait entendu et auditionné de nombreux acteurs impliqués sur cette thématique.L’intégralité des comptes rendus et vidéos des auditions sont accessibles sur le site de l’Assemblée
La mission qui « a pu prendre la mesure des difficultés, bien souvent ignorées, qui frappent les immigrés âgés », propose d’améliorer la condition de cette population autour de plusieurs axes : reconnaître le rôle joué par ces populations immigrées aujourd’hui âgées, dans l’histoire de la France ; assouplir les dispositions juridiques du droit au séjour et de l’accès à la nationalité française ; garantir des conditions de logement dignes ; améliorer l’accompagnement du vieillissement de ce public fragile afin de le faire bénéficier des dispositifs de droit commun ouverts aux personnes âgées en général ; lever les obstacles au vieillissement entre la France et le pays d’origine.
Pour la mission, « longtemps considérés comme voués au retour, souvent objets d’ignorance ou de méconnaissance, les immigrés âgés doivent enfin être reconnus comme des acteurs de notre société, au même titre que l’ensemble des personnes âgées ».
82 recommandations en découlent, guidées par « la volonté de donner aux immigrés âgés les moyens de vivre librement et dignement leur vieillesse, en France, dans leur pays d’origine, ou entre les deux » (« Rapport d’information au nom de la mission d’information sur les immigrés âgés », Assemblée nationale, 02/07/13).
Personnes âgées immigrées : un devoir de (re)connaissance pour une action adaptée à leurs besoins :
Dans le cadre des auditions, de nombreuses contributions ont été rédigées par les acteurs impliqués sur ces questions. Parmi elles, on notera avec intérêt celle rédigée par le réseau Ressources pour l’Egalité des Chances et l’Intégration (Réci) qui, dans un « point de vue sur… » souligne la nécessité d’une prise en compte de ces immigrés âgés au même titre que toutes les autres populations présentant des spécificités. La contribution « met en avant un certain nombre d’enjeux montrant que le défi d’une politique publique efficiente dans ce domaine repose sur, d’une part, la prise en compte des spécificités d’un public présentant des situations très disparates (…) et, d’autre part, l’adaptation des dispositifs et des structures amenés à œuvrer en direction des personnes âgées » (« Point de vue sur… Personnes âgées immigrées : un devoir de (re)connaissance pour une action adaptée à leurs besoins », Réseau Réci, 06/13)
Décristallisation des pensions et échéance du 31/12/13 : un livret en forme de mode d'emploi et en 4 langues
En mai 2010, le Conseil constitutionnel avait considéré que la « cristallisation » des pensions des anciens combattants originaires des ex-colonies françaises était contraire « au principe d'égalité » cf Veille doc&infos LCD et Logement n°18. La loi de finances pour 2011 prenant en partie acte de cette décision donnait la possibilité aux étrangers concernés de demander, jusqu’au 31/12/13, la décristallisation de leurs pensions afin qu'elles soient alignées sur celles attribuées aux anciens combattants français. En effet, plutôt que cette révision soit effectuée automatiquement par les services de l’Etat, il est exigé que ce soit les anciens combattants, désormais très âgés et pour une bonne part restés dans leur pays d’origine, qui en fasse la demande expresse. Après le 31/12/13, il sera toujours possible de faire cette demande de révision mais uniquement devant un tribunal.
Face à l'imminence de cette échéance fixée par le législateur pour procéder à cette demande, le conseil régional d'Aquitaine a élaboré, en partenariat avec le barreau de Bordeaux et l'associationDelaba & Dissi migrations, un livret détaillant la marche à suivre pour obtenir la décristallisation de sa pension. Ce livret de 10 pages rappelle comment obtenir la révision de sa pension (documents à fournir, à qui les adresser, etc.) en donnant un modèle type de demande de décristallisation et les démarches à faire en cas de refus ou de silence. Ce fascicule est proposé dans quatre langues différentes : français, arabe, anglais et vietnamien. Les ministères de la Défense et des Anciens combattants, sollicités pour le relayer, n'ont pas donné suite. (« Anciens Combattants, faites valoir vos droits » ; C. Jouteau, M. Gacem, H. Othman Farah, P. Missiaen, V. Boyance, 2013).
Cinq groupes pour refonder la politique d’intégration
Cinq groupes de travail ont été chargés par le 1er ministre de travailler sur « la refondation de la politique d’intégration » et une première réunion a eu lieu le 11/07/13 à Matignon avec les « personnalités qualifiées » à qui ces groupes ont été confiés.
Le lancement de cette concertation fait suite à la remise, en février 2013, du rapport de T. Tuot cf Veille doc&infos LCD et Logement n°28.
Pour le 1er ministre, la refondation de la politique d’intégration doit s’appuyer sur quatre principes : « une distinction claire entre politique d’immigration, politique d’accueil et politique d’intégration ; un changement de regard sur les personnes immigrées et leurs descendants ;une approche interministérielle des questions d’intégration, qui doivent être intégrées à l’ensemble des volets de l’action publique (santé, social, emploi, culture, habitat, défense…), dans le sens de l’accès de tous au droit commun ; l’appui sur les associations de proximité, dont le réseau a été fortement fragilisé ces dernières années, et qui permettent de renforcer le lien social ». Dans chacun des 5 groupes thématiques sont associés les associations, les syndicats, les universitaires, les services de l’Etat, les collectivités locales et les citoyens.
Le premier groupe, « Connaissance reconnaissance », travaillera sur la culture, l’histoire, la mémoire ; le deuxième groupe, dénommé « Faire société », abordera les questions decitoyenneté, de services publics et de dialogue avec la société civile ; le groupe « Habitat » se penchera sur les questions de ségrégations urbaines, de ruralité et de mobilité géographique ;le groupe « Mobilités sociales » traitera des sujets de l’éducation, de l’emploi et de laformation. Quant au 5e groupe intitulé « Protection sociale », il traitera de la prévention, à l’accès aux droits et aux personnes âgées.
Le gouvernement devrait arrêter, à partir des relevés de conclusion de ces groupes, attendus pour fin septembre 2013, une stratégie pluriannuelle pour une politique d’intégration renouvelée (« Lancement des groupes travail de la refondation de la politique d'intégration », communiqué de presse du 1er Ministre, 11/07/13).
Gens du voyage : pour une « législation inclusive » qui en ferait de « vrais citoyens français »
Le préfet H. Derache a remis au 1er ministre, le 12/07/13, son rapport intitulé « Appui à la définition d’une stratégie interministérielle renouvelée concernant la situation des gens du voyage ». Cette mission étendue lui avait été donnée cf Veille doc&infos LCD et Logement n°28 suite à la décision du Conseil constitutionnel du 05/10/12 qui avait censuré partiellement la loi du 03/01/69 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe cf Veille doc&infos LCD et Logement n°27.
Selon lui, « avec la situation nouvelle créée par la décision du Conseil constitutionnel, la France se trouve dans une opportunité majeure vis à vis des gens du voyage qui doit lui permettre de passer d'une législation historiquement « exclusive » (« on se protège des voyageurs ») à une vraie législation « inclusive » pour en faire de vrais citoyens français. »
Le rapport se décline en cinq parties : la suppression du carnet de circulation et ses conséquences ; les enjeux du maintien du rattachement à une commune, du seuil des 3% et de la domiciliation de droit commun ; les solutions à mettre en œuvre pour développer l’offre d’accueil des voyageurs dans le cadre d’une gestion harmonisée ; les principes directeurs d’une politique d’accès aux droits sociaux, à la santé, à la scolarité, à l’emploi, à la culture et à l’identité ; la gouvernance des politiques publiques en direction des voyageurs
Concernant la suppression du carnet de circulation, M. Derache propose de supprimer le livret B(qui doit être renouvelé tous les ans) pour ne conserver que le livret A (d’une validité de cinq ans et délivré aux voyageurs inscrits au registre du commerce ou au répertoire des métiers), afin de « mettre à parité de droits les voyageurs avec le reste de la profession des forains». Il souhaite encourager la poursuite de la délivrance des pièces d’identité classiques (CNI, passeport) et s’oppose à la proposition de créer en substitution un nouveau document d’identification sous la forme d’une « carte de résident itinérant », « tout aussi stigmatisante que le carnet ».
Actuellement, la loi du 03/01/69 prévoit que toute personne qui sollicite la délivrance d’un titre de circulation est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être rattachée. Le rattachement est prononcé par le représentant de l’Etat après avis motivé du maire sous réserve que la présence de voyageurs dans sa commune ne dépasse les 3% de la population recensée. Par ailleurs, la loi sur le droit au logement opposable (DALO) du 05/03/07 permet aux gens du voyage de se faire domicilier dans un centre communal ou intercommunal d’action sociale ou un organisme agréé en un autre lieu que la commune de rattachement. Le rapport propose que l’élection de domicile prévu dans le cadre de la loi DALO soit maintenu mais de supprimer la commune de rattachement. Une évaluation sera faite dans un délai d’un an pour expertiser les difficultés administratives rencontrées dans les communes et dans les associations agrées provoquées par ce changement de domiciliation. Il est proposé également de supprimer le seuil des 3% et d’aligner sur le droit commun la durée d’ancienneté de l’inscription sur les listes électorale (passage de 3 ans à six mois).
En matière de solutions à mettre en œuvre pour développer l’offre d’accueil des voyageurs, le rapport rappelle que les objectifs fixés par la loi relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage du 05/07/00 ne sont toujours pas atteints, particulièrement dans le Sud-Est et le Sud-Ouest. Il note aussi que les besoins des voyageurs, en regard de leur itinérance, de leur semi-sédentarisation ou de leur sédentarisation complète, ont considérablement évolué depuis l’an 2000. Selon lui, « si la question de la création et de la réhabilitation des aires d’accueil reste, encore, un sujet central, il ne faut pas sous-estimer pour autant la question de la sédentarisation des familles avec la mise en place d’un parcours résidentiel qui démarre du terrain familial jusqu’au logement de droit commun en passant par toutes les étapes intermédiaires. Le rapport fait à cet égard 13 propositions, parmi lesquelles celles de prévoir l’accueil des gens du voyage dans tous types de documents d’urbanisme ; de lancer une réflexion sur la notion d’habitat digne/indigne ; d’examiner les conditions dans lesquelles la caravane pourrait être considérée juridiquement comme un logement ; de favoriser au cas par cas la régularisation foncière des familles propriétaires sur des terrains privés en situation irrégulière; de renforcer le pouvoir de substitution des préfets et professionnaliser le réseau des gestionnaires d’aires d’accueil.
Concernant l’accès aux droits sociaux, le rapport propose la mise en place d’une « trêve hivernale » pour les expulsions « comme pour tout logement de droit commun » ; de vérifier si les voyageurs ne peuvent pas bénéficier de contrats d’électricité « sociaux » ; «de s’assurer que toute mention « sans domicile fixe » soit bannie » des titres d’identité qui leur sont délivrés et d’engager un travail de mise à plat des tarifs d’assurance de leurs caravanes. Concernant l’accès à l’école, il semble encore nécessaire de « développer la médiation scolaire, et entre autre, de « jeter des bases constructives de partenariat avec le Centre national d’enseignement à distance (CNED) ».
Concernant le domaine de l’emploi et afin de lutter contre les discriminations, « il faut mettre en place des dispositifs de remontée d’informations sur ce sujet récurrent de la discrimination à l’embauche puis au travail », « favoriser un meilleur accès à la justice pour les victimes » et, comme pour les autres titres précités, « rayer la mention « SDF » de tout document professionnel ou registre ».
Sur le plan de la mémoire, le rapport préconise de « réfléchir avec les services du ministère de la défense en charge des questions de mémoire pour travailler sur une « reconnaissance à un très haut niveau de la France dans l’internement des Tsiganes » et, parallèlement, mettre en place « une exposition nationale itinérante pour donner un éclairage sur cette période douloureuse de notre histoire nationale peu connue et mettre en lumière l’engagement de gens du voyage dans la résistance et la libération de notre pays en 1944 ».
Enfin, concernant la gouvernance des politiques publiques en direction des voyageurs, le rapport estime que la création d’une nouvelle fonction de délégué interministériel des gens du voyage « est à écarter » : une structure dédiée éloignerait de l’objectif gouvernemental de rapprocher leur statut de celui du droit commun. De plus, la délégation interministérielle à l’hébergement et l’accès au logement (DIHAL) « possède toute l’expertise pluridisciplinaire pour traiter la totalité des questions ayant trait aux voyageurs ». Par contre, il faut envisager la désignation dans chacun des ministères concernés (11 départements) par la question des gens du voyage d’une « personne ressource qui serait le point d’entrée de cette politique publique dans son département ». En conclusion, le préfet rappelle que « le sujet des gens du voyage ne peut être traité « seul ». Il est nécessairement relié aux autres politiques publiques nationales lancées récemment par le gouvernement comme le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale et le plan national d’action contre le racisme et l’antisémitisme (2012-2014). » (« Appui à la définition d’une stratégie interministérielle renouvelée concernant la situation des gens du voyage », rapport au 1er ministre, H. Derache, 07/13).
La CNCDH préconise la reconnaissance d'une discrimination en raison de la précarité sociale
Dans un avis relatif aux discriminations fondées sur la précarité sociale, adopté à l'unanimité le 26/09/13, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) recommande d'insérer, dans le code pénal et dans la loi, « le critère de discrimination au motif de la « précarité sociale » »ce qui « aurait pour mérite de reconnaître le préjudice subi par les personnes en situation de précarité sociale, et de faire comprendre aux discriminants que leur comportement ou discours ne sauraient être tolérés dans un Etat de droit ».
Selon la CNCDH, « l’image négative et culpabilisante dont pâtissent les personnes en situation de précarité pèse en effet dans les démarches qu'elles entreprennent pour l'accès à la santé, au logement, à l'emploi, à la formation, à la justice, à l'éducation, à la vie familiale, à l'exercice de la citoyenneté ou encore dans leur relation aux services publics ».
Pour la CNCDH, les « cas de discrimination en raison de la précarité sociale échappent généralement à la sanction pénale ». C'est le cas, par exemple, « des refus de location immobilière à des personnes qui sont solvables, mais qui sont perçues comme des locataires qui poseront problème, parce qu'elles appartiennent à une catégorie socialement défavorisée ». Parfois, les personnes en situation de précarité sont également «victimes d'une différence de traitement par les personnels du service public (services pôle emploi, police, etc.) », « notamment lorsque les préjugés portés à leur encontre alimentent une présomption d'incapacité voire de culpabilité face à leur situation ».
Pour la CNCDH, dans ce cas, « le mépris ou le refus de service sont particulièrement dommageables, dans la mesure où ils émanent de membres des services publics, qui ont pourtant vocation à accompagner et à soutenir les personnes en situation de précarité». Mais ce type de comportement est «d'autant plus problématique que la discrimination n'est souvent pas perçue comme telle par leurs auteurs».
L’introduction de la discrimination fondée sur la précarité sociale, en tant que 20ème critère, dans l’article 225-1 du code pénal et dans la loi du 27 mai 2008, couplée à des efforts en termes d’accès au droit et à la justice, pourrait « ouvrir la possibilité à un recours effectif pour les personnes victimes de discriminations de cette nature et ainsi améliorer l’accès aux droits des plus démunis » («Avis sur les discriminations fondées sur la précarité sociale », CNCDH, Assemblée plénière du 26/09/13).
Contrôle d’identité au faciès : un film de témoignages
La fondation Open Society a mis en ligne un film de 4 minutes en français qui reprend des témoignages de victime de contrôles au faciès par les forces de l’ordre et qui aborde également l’impact de cette pratique sur les personnes qui en sont victime (« Equality Betrayed: Speaking Out Against Ethnic Profiling by French Police », Open Society Foundations, 23/09/13).
Plus d’égalité par une prévention des discriminations : un guide à destination des professionnels alsaciens de la petite enfance
Le domaine de la petite enfance peut sembler être un espace protégé alors qu’il n’est pas exempt de discriminations. Ce guide souhaite sensibiliser les professionnels de la région Alsace à cette problématique afin de favoriser l’égalité de traitement dans le cadre de la relation avec les usagers (entre mères et pères, entre les différentes formes familiales et entre les enfants sans distinction de sexe, origine, religion etc.) ainsi que dans le cadre de la gestion des ressources humaines (« Petite enfance : plus d’égalité par une prévention des discriminations », Association Le Furet et Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville, 2013).
Laïcité : le Défenseur des droits saisit le Conseil d’Etat pour une « nécessaire clarification »
Le Défenseur des droits a saisi le Conseil d’État (CE) pour qu’il mène une étude portant sur l’application du principe de laïcité. C’est la première fois que l’institution fait usage de cette prérogative que lui a conféré la loi organique du 29 mars 2011.
Régulièrement le Défenseur reçoit des réclamations soulevant des questions relatives à la liberté d’expression religieuse. Selon lui, « si les règles en vigueur sont bien établies dans de nombreux domaines, il subsiste toutefois des situations révélant des « zones grises » pour lesquelles l’Institution ne peut donc apporter de réponses précises en droit ». Dans sa demande au CE, D. Baudis rappelle que la Cour de Cassation, le 19/03/13, au travers de deux arrêts (l’un portant sur la CPAM de Paris, l’autre sur la crèche Baby-Loup) établit une ligne de partage entre personnes privées employant des salariés soumis au code du travail auxquels aucune clause générale de neutralité ou de laïcité n’est opposable, et personnes privées délégataires d’un service public qui peuvent au contraire invoquer ces principes pour imposer des contraintes à leurs salariés cf Veille doc&infos LCD et Logement n°28. Il souligne que l’application de cette règle suppose qu’ait été préalablement établie la nature de l’employeur mis en cause pour inviter la Haute juridiction à préciser, dans le cadre du droit existant, les critères d’identification de cette ligne de partage. De la même façon, il souhaite que des précisions puissent être apportées sur la notion de participant ou de collaborateur occasionnel du service public (Source : La lettre d’information du Défenseur des droits, n°1, 10/13).
Laïcité à l’école : une charte à afficher
Le ministre de l’Education nationale a présenté, le 09/09/13, une « charte de la laïcité à l’école », qui sera obligatoirement affichée dans les établissements publics, du primaire au lycée. Composé de 15 articles, ce texte à vocation pédagogique et symbolique reprend pour l’essentiel des règles déjà posées par la loi ou dans les différents règlements intérieurs des établissements scolaires, notamment celles qui s’imposent aux élèves (Source : Ministère de l’éducation nationale).
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