Veille documentaire et informations N°16 - février 2010

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Lutte contre les discriminations et Logement

1/ Discriminations : 
1.1 Documentation générale:

France : 

La Halde dénonce les différences de traitement défavorable fondé sur la nationalité d’accès au DALO :

Dans une délibération du 30/11/09, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) dénonce la différence de traitement dont sont victimes, en matière d'accès au droit au logement opposable (DALO), les ressortissants non communautaires
Ces derniers - à l'exception des titulaires d'une carte de résident ou d'un titre équivalent - doivent en effet justifier d'au moins deux années de résidence ininterrompue en France sous couvert d'un titre de séjour de un an renouvelé au moins deux fois. 
« Un traitement défavorable qui caractérise une discrimination fondée sur la nationalité contraire aux dispositions nationales et internationales et qui n'apparaît pas justifié et proportionné à l'objectif poursuivi par la loi DALO »
Cette délibération fait suite à la saisine de La Halde par plusieurs associations ou fédérations d’association dont la Fapil (Fédération des Associations pour la Promotion et l’Insertion par le Logement). 
La Halde a soumis à l’appréciation du ministère de Logement et de la Ville puis au secrétariat d’état chargé du logement et de l’urbanisme cette problématique mais ses courriers sont restés sans réponse. 
La HALDE recommande donc l’abrogation de cette restriction et demande, dans un délai de 4 mois, à être informé des suites données à sa recommandation. (Délibérations n° 2009-385 du 30 novembre 2009).

Délibération de la Halde relative à un refus de location à raison de l’origine 
La Halde a été saisie d’une réclamation relative à un refus de location. L’agence immobilière aurait indiqué que le propriétaire avait préféré un autre dossier. Il s’avère que l’appartement n’a pas été loué alors que le réclamant disposait de bonnes garanties financières. La Halde estime que les éléments de l’espèce sont de nature à révéler l’existence d’une discrimination. Elle recommande la réparation du préjudice subi et indique que, le cas échéant, elle présentera ses observations devant la juridiction civile (Délibération n° 2009-360 du 26/10/2009).

Le HCI demande à E. Besson d'améliorer la mixité « ethnique » dans les quartiers 
Le Haut Conseil à l'intégration (HCI) a remis, le 12/01/10, au ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire sa contribution au débat sur l'identité nationale, dans laquelle il souligne notamment le manque de mixité "ethnique", sociale et culturelle dans certains quartiers de la politique de la ville.
Le HCI a réalisé cette note à partir de comptes-rendus des déplacements effectué dans cinq villes en France (Marseille, Lyon, Strasbourg, Lille et Cergy-Pontoise). Les participants ont surtout mis en avant les difficultés relatives à l’intégration : absence de réponses satisfaisantes de la puissance publique quant aux discrimination, manque de prise en considération  de l’immigration maghrébine et de son apport à la richesse économique de la France etc. Face à cela, le Haut Conseil exprime « son inquiétude sur l’intérêt très relatif manifesté par les associations quant à la connaissance des valeurs de la République et à leur transmission »…

Par ailleurs, le HCI formule huit propositions d’actions concrètes, parmi elles :
- Poursuivre « avec détermination et dans la durée »  le travail de restructuration des quartiers entrepris par l’ANRU. 
Développer des expérimentations pour favoriser la mixité sociale et des origines au niveau des agglomérations (rachat de biens en VEFA pour les destiner au logement social en centre ville, accroissement du nombre de cessions d’appartements de HLM à leurs occupants, anonymisation des demandes de logements sociaux par exemples).
Régler les cas emblématiques de discriminations que sont les contrôles dits «au faciès»en mettant  en place une attestation délivrée par les forces de l’ordre permettant à la personne contrôlée de pouvoir justifier de son contrôle. 
- Reconnaître la part de l’immigration dans l’histoire de France et insister sur l’unité du peuple français, unité acquise grâce à une nationalité ouverte aux étrangers, bâtie sur un droit du sol. 
- Donner aux associations les moyens d’être des pédagogues des valeurs de la République et revitaliser le rôle des associations et des mouvements d’éducation populaire (« Synthèse des comptes-rendus des déplacements réalisés par le Haut Conseil à l’intégration dans cinq régions afin de débattre, avec des associations chargées de l’intégration, de son rapport d’avril 2009 sur la connaissance des valeurs de la République, et principales recommandations », HCI, 12/1/10).

Villeurbanne lance un plan d'action de lutte contre les discriminations au logement
La démarche villeurbannaise d'action contre les discriminations au logement associe des acteurs tant publics que privés (dont l’AVDL), dans l'objectif de changer les pratiques. Ce partenariat a permis la réalisation d'un diagnostic local et la rédaction d'un plan d'actions qui a été officiellement signé le 11 février.

Dix axes ont été affirmés par les signataires et devraient avoir valeur d'engagement.
Les actions concernent l'égalité de traitement, mais également l'information des personnes sur leurs droits et les recours possibles contre les discriminations, la mise en place d'une instance de vigilance locale (avec opérations de testing par exemple) pour traiter les réclamations de personnes s'estimant victime de discrimination :

1. Affirmer l'engagement de tous les acteurs du logement pour l'égalité de traitement et la non-discrimination au logement 
2. Veiller à ce que la mobilisation de la « mixité sociale » ne donne pas lieu à des pratiques discriminatoires 
3. Poursuivre le développement des éléments de diagnostic et d'analyse du problème 
4. Favoriser la lisibilité pour les demandeurs de logement des processus d'attribution depuis la demande jusqu'à l'attribution 
5. Faire évoluer les pratiques des acteurs du logement pour prévenir et de lutter contre les discriminations et garantir l'égalité de traitement 
6. Acter et valoriser les bonnes pratiques mises en place 
7. Informer les personnes sur leurs droits et les recours possibles contre les discriminations 
8. Associer à l'action les personnes et les associations agissant dans le domaine de la lutte contre les discriminations
9. Favoriser la synergie entre bailleurs, travailleurs sociaux, et professionnels de la santé pour une meilleure prise en charge sociale et psychologique des personnes 
10. Mettre en place une instance de vigilance locale pour  traiter les réclamations de personnes s'estimant victime de discrimination

1.2 Documentation et informations générale :

Europe :

Les musulmans d’Europe toujours plus discriminés, selon l’OSI 
Intitulé « Les musulmans en Europe : un rapport sur 11 villes de l’UE », le rapport de l’Open Society Institute (OSI), fondé par G. Soros en 1993, est le résultat de recherches effectuées sur 2008 et 2009. Il repose sur l’analyse de 2 200 entretiens approfondis en tête à tête de personnes issues de 11 villes de 7 pays européens.

« Les conclusions de ce rapport, conformes à ceux d’autres recherches, suggèrent que les discriminations religieuses à l'égard des musulmans sont très répandues et ont augmenté au cours des cinq dernières années. Les musulmans nés en Europe, en particulier les femmes, sont plus susceptibles d’éprouver des niveaux plus élevés de discrimination religieuse que les musulmans nés à l'étranger. (…) Pour les musulmans, la persistance de la discrimination et des préjugés affecte leur sentiment d'appartenance nationale », note le rapport.

Alors que la plupart des travailleurs et de leurs familles vivent dans les quartiers pauvres des grandes villes industrielles, le rapport indique que la plupart des musulmans interrogés rejettent le communautarisme et « veulent vivre dans des communautés mixtes ». Les partis fondés sur l'identité ethnique et religieuse n'ont pas obtenu le soutien des électeurs musulmans. Mais nombreux sont ceux qui se trouvent confrontés à la discrimination dans l’accès au logement, « ce qui limite leurs choix », note l’enquête.

Premiers visés dans la persistance et l'aggravation de la situation, les pouvoirs publics mais également les médias : le matraquage médiatique dont font l’objet les musulmans dans différents pays européens a impliqué « le renforcement des stéréotypes négatifs et des préjugés ». 

Outre les campagnes nationales d’information permettant de s’assurer que les citoyens soient bien conscients des protections juridiques existantes, l’OSI suggère la mise en place des statistiques ethniques sur une base anonyme comme moyen de lutte contre les discriminations. 

L’organisme évoque également l’idée de naturaliser les personnes vivant de longue date sur le territoire européen et d’accorder le droit de vote aux personnes n’ayant pas la nationalité dans le cadre d’élections locales afin d’accroître la légitimité démocratique des hommes politiques se présentant dans les zones à forte population issue de la diversité. 

Pour N. Hussain, directrice du projet « At Home in Europe » au sein de l’OSI, « Beaucoup d’Européens pensent que l’identité religieuse est en quelque sorte un obstacle à l’intégration, alors que la majorité des musulmans interrogés s’identifie fortement à la ville et au pays dans lequel ils vivent» (« Muslims in Europe : A Report on 11 EU Cities », OSI, dec. 2009).

FEDER : tous logés à la même enseigne
Pour aider les populations les plus marginalisées, les députés européens ont proposé, en première lecture, d’élargir le champ d'application du Fonds européen de développement régional (FEDER). Celui-ci pourrait être utilisé pour rénover tous types de logements, en milieu urbain comme en milieu rural, et dans tous les Etats membres. La nouvelle législation devrait permettre d'utiliser les fonds du FEDER pour rénover, voire remplacer les habitations ou les campements des Roms et des migrants légaux - entre autres.

France :

La Halde dénonce les conditions de séjour en France des Roms roumains et bulgares :
Dans une délibération du 26/10/09, la Halde a dénoncé les discriminations dont font l'objet les Roms de Roumanie et de Bulgarie. Ces Roms, estimés entre 8000 à 10 000 en France (dont 40% d'enfants), constituent «la population migrante la plus contrôlée, la moins prise en charge et la seule à l'égard de laquelle aucune politique ciblée humanitaire n'intervient pour l'accès à la santé et à l'éducation ». La plupart vivent dans des "conditions de dénuement et de précarité" telles qu'elles portent "atteinte à leur dignité et à leurs droits fondamentaux".
La délibération souligne les difficultés d'accès aux prestations sociales, aux soins, à la scolarisation des enfants et au logement de ces ressortissants communautaires. La HALDE déplore que ces ressortissants européens "ne bénéficient donc que très imparfaitement des dispositifs nationaux depolitiques sociales", et qu'ils souffrent également d'une absence de coordination des politiques mises en place à leur intention au sein des ministères compétents. 
La violation de plusieurs textes internationaux est relevée : article 4 du protocole n° 4 à la Convention européenne des droits de l'homme interdisant l'expulsion collective d'étrangers, article 3-1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, articles 13 et 17 de la Charte sociale européenne. 
Pour y pallier, la Halde recommande notamment la fin anticipée des mesures transitoires applicables aux Roumains et Bulgares, la fin de la taxe OFII (Office Français de l'Immigration et de l'Intégration) sur l'emploi, une amélioration qualitative du dispositif d'aides au retour humanitaire, la mise en place d'un dispositif d'élection de domicile accessible et efficace et l'accès sans délai à l'aide médicale d'État (AME) des femmes enceintes et de toute personne malade.
Dans les départements où les Roms sont les plus présents, il faut par ailleurs "adopter une politique d'accueil globale et de programmes départementaux", prône encore la HALDE.
L'instance demande enfin au gouvernement de mettre en œuvre ces recommandations dans les 12 prochains mois et de la tenir au courant des suites qu'il compte y donner dans un délai de quatre mois (Délibération n° 2009-372, 26/10/09, non publiée)

Une nouvelle circulaire sur la régularisation sous condition de travail suite à l’annulation de la première par le Conseil d'Etat (CE) 
Le 24/11/09, le ministre de l'Immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a publié une nouvelle circulaire pour fixer les conditions de la régularisation des travailleurs sans titre de séjour (NOR IMIK0900092C). Elle fait suite à l'arrêt du CE du 23/10/09qui a annulé la circulaire du 07/01/08 au motif que celle-ci ne pouvait exiger la production d'une promesse d'embauche dans l'un des métiers prévu par la liste des métiers ouverts aux ressortissants de pays tiers à l'Union européenne. Le CE a en effet considéré que la circulaire du 07/01/08 a introduit dans les procédures de régularisation des ressortissants de pays extérieurs à l’UE une restriction qui n’était pas contenue dans la loi : "Le pouvoir règlementaire ne pouvait, sans méconnaître la loi, restreindre les conditions de délivrance de cette carte de séjour temporaire en subordonnant la recevabilité des demandes de délivrance de cette carte à la présentation, par l'étranger, d'une promesse d'embauche dans l'un des métiers prévus par cette liste". 

Dans la nouvelle circulaire, il est toujours exigé la production par l'étranger d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche et une preuve des qualifications professionnelles. Néanmoins, il n'est plus nécessaire qu'il s'agisse d'un emploi figurant dans la liste dite des "30 métiers". Il suffit que le métier soit caractérisé par des difficultés de recrutement établies par des statistiques régionales trimestrielles. 
Par ailleurs, il est à relever que désormais une autorisation provisoire de séjour d'une durée de 3 mois autorisant le travail sera délivrée et sera renouvelée le temps de l'instruction du dossier de demande de régularisation.

Néanmoins, cette nouvelle circulaire risque de durcir fortement la possibilité de la régularisation des travailleurs sans papier en exigeant trois nouvelles conditions : "une durée significative de séjour habituel en France", "une volonté d'intégration sociale du demandeur attestée notamment pour son insertion dans un milieu professionnel » et la prise en considération de la "compréhension de la langue française" par le demandeur à la régularisation. Cette condition n'était prévue, jusqu'à présent et de manière plus exigeante, que pour l'immigration familiale ("connaissance de la langue française" et des "valeurs de la république") et non pour l'immigration professionnelle (CE
n° 314397, 23/10/09).  

Habiter en zus et être immigré : un double risque sur le marché du travail
Selon une étude de la Dares, moins souvent en emploi et davantage touchées par le chômage, les personnes résidant en zones urbaines sensibles (ZUS) sont souvent confrontées à d’importantes difficultés d’insertion sur le marché du travail.
Au milieu des années 2000, près de 19 % des actifs en ZUS étaient au chômage, contre 8 % environ des actifs hors ZUS. Au sein de ces zones, les personnes immigrées sont particulièrement vulnérables : environ 24 % des actifs immigrés étaient au chômage au milieu des années 2000. Les personnes habitant en ZUS ont en moyenne des niveaux de diplôme inférieurs aux autres et appartiennent à des catégories socioprofessionnelles plus exposées aux difficultés d’insertion.
Mais ce ne sont pas les seules explications de leurs plus grandes difficultés : à niveaux de diplôme équivalents, les personnes résidant en ZUS sont moins protégées contre le risque de chômage et le fait d’être immigré augmente dans tous les cas ce risque dans des proportions importantes (DARES, Premières synthèses et informations, n°481, nov.09).

Quand les collectivités locales s’engagent :

A Saint Priest, le plan de lutte contre les discriminations a son site Internet : ce site a vocation tout à la fois à rendre compte de l’activité du plan de lutte et donner à ses acteurs les moyens de « fluidifier » le travail collectif.

Toulouse lance un observatoire des discriminations : il dressera des états des lieux et conduira des études en partenariat avec le master « lutte contre les discriminations » de l’IEP et de l’Université de Toulouse II-Le Mirail. Parmi les moyens d’actions, sont annoncés le renforcement des réseaux associatifs, l’amélioration de l’accueil dans les services publics, des campagnes de sensibilisation grand public et ciblées (centres de loisirs) au problème de la ségrégation, la création de lieu d’accueil et d’écoute des publics discriminés. L’instance réunit quatre collèges : scientifiques, universitaires, institutions, service de l’Etat et associations.

Paris et la Halde signent un partenariat pour sensibiliser aux discriminations : la ville de Paris et la Halde ont conclu, le 12/01/10, un partenariat pour mener des actions d'informations et de sensibilisation sur le thème des discriminations. Parmi les engagements de la mairie, le lancement d'une campagne de sensibilisation contre la discrimination auprès de toutes les classes de 3e : 13 000 élèves concernés recevront un guide et bénéficieront d'interventions. Des campagnes d’affichage seront notamment diffusées sur le réseau municipal et des manifestations seront organisées pour informer le grand public. La convention vise également à "améliorer le dispositif d'accès au droit des victimes de discrimination" et la collaboration sur des travaux de recherche (études, rapports, diagnostics) sur le thème des discriminations.

Un plan de lutte contre les discriminations à Lille : le conseil municipal de Lille a adopté le 01/02/10 un « Plan de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances » qui se décline en cinq enjeux prioritaires: la prise en charge des victimes de discrimination, l’égalité réelle des chances, la non discrimination dans l’accès aux loisirs, la lutte contre les discriminations dans l’accès au logement et dans l’emploi.
Île-de-France : premier accord entre la Halde et un conseil régional. Signée le 30/11/09, cette convention prévoit notamment la  mise en œuvre d’une politique de prévention des discriminations dans le recrutement et la gestion des personnels du conseil régional, la création d’un observatoire des bonnes pratiques et la mutualisation des savoir-faire développés par les acteurs d’Île de France.

Une étude de l'Insee sur les discriminations professionnelles des immigrés africains :
D'après l'enquête emploi de l'Insee en 2008, 57% des immigrés âgés de 18 à 64 ans et arrivés en France après l'âge de 18 ans ont un emploi contre 69% des non-immigrés. Parmi eux, 38% sont ouvriers ou employés non qualifiés contre 19% pour les non-immigrés.
Les difficultés d'accès au marché du travail sont en partie dues à un manque de qualifications, précise l'étude : près de la moitié des immigrés ont un diplôme de niveau enseignement primaire ou aucun diplôme, contre un sur cinq chez les non-immigrés. 
Toutefois, les différences de qualifications n'expliquent pas entièrement l'écart en termes d'insertion sur le marché du travail. Ainsi, pour un même niveau de diplôme, un écart important subsiste en défaveur des immigrés en matière d'exposition au chômage. Cet écart est faible pour les niveaux de qualification les plus bas mais il est très élevé pour les diplômés de l'enseignement supérieur, ajoute l'Insee (« Langue, diplômes : des enjeux pour l'accès des immigrés au marché du travail », O. Monso et F. Gleizes, Insee 1ère n° 1262, 11/09).

Rapport du Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations (Comedd) : un rapport consensuel sur les statistiques ethniques ? Fruit de 10 mois de réflexion, le rapport du Comedd, que son président, F. Héran, a remis le 05/02/10 à Y. Sabeg, commissaire à la diversité, témoigne de la volonté de sortir de la polémique : nul besoin d'une loi.La France dispose des outils statistiques nécessaires pour mieux appréhender l'ampleur et les mécanismes des discriminations. Elle peut développer ce qu'on appelle communément des "statistiques ethniques", à condition d'en faire un usage "raisonné" et "différencié selon les circonstances et les finalités".
"Contrairement à une idée répandue, relève F. Héran, la loi ne pose pas un interdit absolu de traiter statistiquement des données sensibles, y compris ethniques et raciales. Mais elle l'autorise à titre dérogatoire et sous strictes conditions." Ces dérogations ont permis le développement depuis quinze ans d'un nombre croissant d'enquêtes spécifiques de la statistique publique. 
Selon le Comedd, il est donc possible de produire, à droit constant, des statistiques faisant référence aux origines. 
Le comité propose plusieurs mesures pour favoriser le développement contrôlé de telles études : 
- Mise en place d'un "cadre sécurisé" de traitement des données sur l'origine dont le recensement et les grandes enquêtes de la statistique publique (enquête Emploi, Famille…) constituent le socle de base. Le Comedd propose d'enrichir le recensement par le recueil d'informations sur la nationalité et le pays de naissance non seulement des individus (ce qui est déjà le cas) mais également de leurs parents, questions déjà présentes uniquement dans les grandes enquêtes de la statistique publique. Les études sur les mécanismes des discriminations ethno-raciales relèvent elles des " compléments d'enquête ", soumises au contrôle de la CNIL et réservées à des enquêtes spécialisées de recherche ou d'évaluation munies de solides garanties (consentement, anonymat strict).
- Création d'un dispositif d'observation des discriminations dans l'emploi : le Comedd préconise que soit défini un questionnaire "normalisé", qui serait rempli par les salariés des entreprises, administrations et collectivités d'au moins 250 salariés, "avec une garantie totale d'anonymat". Ces questionnaires s'intéresseraient au recrutement, promotions, type de contrat, formation, rémunération... et donneraient pour chacune de ces situations, la distribution du personnel par origine. Ils se fonderaient là encore sur la nationalité et le pays de naissance des individus et de leurs parents. Ils seraient inscrits au bilan social des entreprises et discutés avec les partenaires sociaux.
- Création au sein de la Halde d'un Observatoire des discriminations qui produirait tous les ans un rapport sur l'état des lieux des discriminations en s'appuyant sur l'ensemble des données recueillies par la statistique publique, les entreprises ou dans le cadre des enquêtes spécifiques.
Un certain nombre de voix se sont d’ores et déjà fait entendre pour récuser le caractère consensuel du rapport du COMEDD et s'interroger en particulier sur la proposition d'introduire dans le recensement de la population des données d'état civil sur deux générations (« Inégalités et discriminations, pour un usage critique et responsable de l’outil statistique », rapport du comité pour la mesure de la diversité et l’évaluation des discriminations, 05/02/10).

Les pratiques discriminatoires devant les tribunaux :

Condamnation en référé de Sagem pour discrimination syndicale : 
Dans un arrêt rendu le 19/09/09, la Cour d’appel de Paris, saisie en référé, a condamné Sagem à verser 300.000 euros de provisions sur des dommages et intérêts futurs à cinq salariés de l’usine d’Argenteuil, par ailleurs militants à la CGT. L’affaire doit encore être jugée sur le fond par le Conseil des prud’hommes.
Selon un article de l’Humanité du 27/01/10, les victimes ont avancé une enquête de l’Inspection du travail, qui a constaté que les salariés étaient placé dans une « situation très défavorable » et dénonçait « une discrimination qui ne pouvait s’expliquer que par la prise en compte de leurs engagements syndicaux et de l’exercice de leurs mandats. » Pour se défendre, Sagem a reproché aux cinq salariés de ne pas avoir recouru à un accord sur l’évolution professionnelle des représentants syndicaux, que la CGT avait refusé de signer. Pour les syndicalistes en effet, cet accord ne pouvait se substituer à l’indemnisation des retards de carrière subis.

Le propriétaire d’un bar nantais condamné pour discrimination : 
Le propriétaire d’un bar nantais, le Remorqueur, a été condamné le 25/01/10 pour discrimination, pour avoir fait refuser l’entrée de son établissement à une personne à raison de son origine supposée.
Le 12/09/09, la victime se voyait en effet interdire l’entrée du bar par un vigile, au motif qu’« on ne fait rentrer ni les Arabes, ni les Roumains, ce sont les ordres. ». À l’audience du tribunal correctionnel de Nantes, le propriétaire a reconnu avoir laissé de telles consignes : « Il ne s’agit pas de refuser des communautés, mais d’être vigilant, car on sait qu’elles ont une fâcheuse tendance à… », avant d’être coupé par la présidente du tribunal.
Le propriétaire a été condamné à payer une amende de 2000 euros, plus 2000 euros à la victime pour le préjudice moral subi, et un euro symbolique à la LICRA, partie civile dans cette affaire.

 

Fichage ethnique : un rapport de SOS Racisme dont la CNIL conteste les accusations 
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a contesté, le 04/11/09, les"accusations parfaitement infondées", selon elle, formulées à son égard et à celui d'autres institutions publiques par SOS Racisme dans le rapport que l'association a publié sur "Le fichage ethno-racial : un outil de discrimination".
Ce rapport s'inscrit dans le cadre de la convention de partenariat "relative au fichage territorial ou ethnique pouvant conduire à des pratiques discriminatoires de recrutement dans les entreprises",signée entre le délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer, P. Karam, et le président de la Fédération nationale des Maisons des potes et vice-président de SOS Racisme, S. Thomas.
Cinq organismes HLMun réseau d'agences immobilières et une chaîne d'hôtels, pour le logement, ainsi qu'une dizaine de sociétés privées pour ce qui est du marché de l'emploi, sont ainsi épinglés par les auteurs de ce rapport présenté par SOS Racisme comme "accablant sur les systèmes discriminatoires de recrutement dans les entreprises et dans le marché locatif".
Tous sont en effet "soupçonnés d’avoir mis en place un fichage ethno-racial ou territorial qui constitue une infraction pénale en soi" mais qui constitue aussi "le préalable à des discriminations systématisées visant les Ultramarins et plus largement toutes les composantes de la diversité", dénoncent en effet les rapporteurs.

De plus dans la grande majorité des cas décrits dans son rapport, SOS Racisme assure avoir "dû faire face à de sérieux obstacles tenant notamment à la réticence des autorités publiques peu enclines à sanctionner ces pratiques"La CNIL, l'inspection du travail et les autorités judiciaires sont plus particulièrement visées. Car si l'association reconnaît que "depuis sa création en 1978, jusqu'en 2004, la CNIL faisait une interprétation stricte de la loi sur le fichage et la catégorisation ethno-raciale""depuis plusieurs années, la CNIL revient peu à peu sur ses positions et devient très conciliante avec les entreprises privées épinglées par SOS Racisme", en l'accusant notamment de ne pas avoir saisi les fichiers litigieux mais d'avoir seulement demandé leur destruction "ce qui au final nuit a posteriori à l'enquête judiciaire, du fait de la destruction de preuves".

Des accusations à la suite desquelles l'instance a exprimé "son plus vif étonnement", en affirmant dans un communiqué n'avoir jamais hésité à faire usage des nouveaux pouvoirs de contrôle renforcés et de sanction dont elle dispose depuis la nouvelle loi "informatique et libertés" de 2004.
Et d'assurer s'être engagée depuis longtemps dans la lutte contre les discriminations en signant notamment une convention avec la Halde, en rendant  publiques en mai 2007 ses recommandations sur les statistiques de la diversité ou en infligeant des sanctions de 15 000 euros à des sociétés réalisant des campagnes de prospection s'appuyant sur des fichiers ethniques ("Le fichage ethno-racial : un outil de discrimination", Sos Racisme, 04/11/09).

Pas d'interdiction pour le voile intégral en France sauf dans les services publics ? 
Après 6 mois de travaux, la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le port de ce vêtement, sous toutes ses formes, sur le territoire national a renoncé à proposer une loi d'interdiction générale, tout en plaidant pour "le vote d'une résolution réaffirmant les valeurs républicaines et condamnant comme contraire à ces valeurs la pratique du port du voile intégral".
De même, la mission propose, "afin de conforter les agents publics", d'adopter une disposition "interdisant de dissimuler son visage dans les services publics".
Quant à la proposition n° 8, elle prévoit de "donner instruction aux services de l’État de signaler systématiquement au président du conseil général les situations de mineures portant le voile intégral, dans le cadre de la protection des mineurs en danger".
Par ailleurs, les parlementaires se sont aussi mis d'accord pour "demander à la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) de dresser un état des lieux des éventuelles dérives sectaires qui pourraient avoir lieu dans l’entourage des personnes portant le voile intégral et dont ce dernier pourrait être le révélateur".
3 jours après les conclusions de la mission parlementaire, F. Fillon a demandé au Conseil d'Etat, de lui soumettre, en vue d'un projet de loi, ses solutions juridiques «permettant de parvenir à une interdiction du voile intégral», «la plus large et effective possible». Ces conclusions, ajoute-t-il, devront lui être adressées «avant la fin du mois de mars».
(Rapport d'information de la mission d'information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national et le dossier sur la mission).

Rhône- Alpes : 

La Halde, les Parquets Généraux et les Parquets des cours d’appel de Chambéry, Grenoble et Lyon ont signé un protocole de coopération  
Signé le 17/11/09, l’objectif de ce protocole est d’harmoniser les actions de lutte contre les discriminations de la Halde et des Parquets, afin de rendre plus efficace le traitement des plaintes et des réclamations. Il prévoit, notamment, la désignation de référents, la concertation lors des phases d’enquête, l’information sur les suites d’enquête, la mise en place d’un comité de pilotage chargé de l’évaluation annuelle du protocole.

2/ Documentation générale sur le logement :

France :

Le logement social dans le rapport 2010 de la Cour des comptes

La Cour des comptes a rendu public, le 09/02/10, son rapport annuel. Plusieurs questions liées à la politique menée en matière de logement social sont abordées : la situation du Fonds d’épargne, l’occupation et la gestion du parc locatif social, les aides personnelles au logement et la réforme du 1% logement.
Concernant l’occupation et la gestion du parc locatif socialla Cour estime que les réformes engagées par la loi Molle du 25/03/09 sont globalement satisfaisantes
Cependant, restent, selon la Cour, des marges de progression : "le mode de fixation des loyers ne prend pas suffisamment en considération la situation et la qualité des logements ni les revenus ou la taille des ménages" la loi n’a pas modifié le fonctionnement des commissions d’attribution des logements dont les principes de fonctionnement et la publicité de leurs décisions restent en dernier ressort entre les mains des bailleurs.

De même, la loi n’a pas dissipé l’imprécision des critères de priorité d’accès au logement, accrue par la loi Dalo du 05/03/07. Enfin, le ministère du Logement publie toujours le nombre de "logements financés" et non celui des logements effectivement "livrés" (Rapport public annuel 2010, cour des comptes).

Mal logement : tous les indicateurs sont au rouge 

La crise économique a aggravé, en 2009, la crise du logement, devenu lui-même un "creuset des inégalités" pour des millions de personnes en proie à ce "grave problème de société", souligne la Fondation Abbé Pierre (FAP) dans son 15e rapport annuel "L’Etat du mal-logement en France en 2009".

De fait, tous les indicateurs mesurant l'accès des Français à un logement ont viré au rouge l'an passé. L'offre immobilière s'est "contractée", aggravant la pénurie de logements : il en manquait 900.000 en fin d'année, soit 100.000 de plus qu'à fin 2008. Parallèlement, le coût annuel moyen de la location ou de l'achat d'un logement ne cesse de progresser (+23% entre 2002 et 2007). 
Miroir des inégalités, le logement en est aussi le "générateur" : il "renforce le déterminisme social" car ce sont les plus modestes qui sont davantage concernés par cette crise, notamment les quelque 600.000 enfants mal logés. Au final, selon le rapport, 10,1 millions de personnes sont aujourd'hui confrontées à la crise du logement, dont 3,5 millions très mal logées voire sans abri et 6,6 millions "fragilisées".

La FAP dénonce également l’absence d’ambition et de moyens du  pouvoir politique qui ne semble pas
prendre la mesure de l’aggravation de la crise du logement. Pire, il envoie un certain nombres de  « signaux inquiétants » : mobilisation des ressources du 1 % Logement masquant le désengagement budgétaire de
l’État, incitation à un regroupement quasi-national des organismes Hlm au risque de conduire à la constitution d’entreprises de très grande taille qui pourraient être tentées de privilégier les impératifs économiques plutôt que
les préoccupations sociales, non reconduction du Plan de cohésion sociale - lequel affichait des
objectifs de construction de logements sociaux à la hausse (qui n’ont d’ailleurs pas été atteints) etc.

La FAP propose de nombreuses mesures pour remédier à la situation. Parmi elles : "imposer sur tout le territoire et dans tout programme immobilier de plus de 10 logements un quota minimum de 30% de logements à loyer accessible", "encadrer" les loyers des logements qui changent de locataires et ont tendance à augmenter, ou encore "mettre en place un chèque énergie pour les plus pauvres".